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n’aurait pas aux yeux des indigènes un prestige qui manque au vulgaire costume européen, un instituteur ou un professeur laïque qui ne fait pas vœu de pauvreté et de chasteté coûtera toujours autrement cher qu’un Père dominicain ou qu’un Frère des Ecoles chrétiennes. N’y en aurait-il pas d’autres, c’est là un obstacle contre lequel se heurtera, partout, la Mission laïque. Si elle réussit à créer quelques rares collèges et quelques dizaines, mettons, si l’on veut, quelques centaines d’écoles, ce sera un résultat dont elle aura le droit d’être fière. Et, alors même qu’elle y parviendrait, à l’aide des subventions de l’État, que serait-ce en face des milliers de maisons de nos religieux des deux sexes ? La substitution des laïques aux congréganistes n’aurait d’autre effet que d’entraîner la ruine de la plupart de nos écoles ; et, pour sauver le reste, il faudrait, comme M. Delcassé le déclarait récemment à la Chambre, que le Parlement se résignât à voter, chaque année, des millions de subvention à la Mission laïque. Car, au dehors comme au dedans, et à l’étranger plus encore qu’en France, c’est toujours aux dépens de nos finances et aux frais des contribuables que s’opère la laïcisation ; et c’est justice, puisque les laïcisateurs s’obstinent à repousser le concours des dévouemens gratuits.

D’autres États, l’Italie, notamment, au temps de la dictature crispinienne, se sont imposé de lourds sacrifices pour leurs écoles laïques de l’étranger. La lutte du Quirinal avec le Vatican la mettait en naturelle défiance contre les écoles congréganistes, d’autant que, fussent-ils italiens, les établissemens congréganistes se trouvaient, le plus souvent, sous le protectorat de la France. Malgré cela, l’Italie elle-même a jugé les écoles laïques trop dispendieuses et trop peu efficaces ; sans y renoncer entièrement, elle s’est retournée vers ses congréganistes, afin de faire d’eux des instrumens de sa politique et des propagateurs de sa langue. Pour cette politique nouvelle, l’Italie a l’avantage d’être secondée par nos lois anti-cléricales ; et nous serions mal venus à lui reprocher de tirer parti de nos préjugés pour s’efforcer de gagner les concours que nous dédaignons. Et l’Italie est-elle seule, aujourd’hui, à offrir ses bons offices à ses religieux et à ses missionnaires ? Nullement ; comme s’ils avaient tous hâte de profiter des erreurs de notre politique, tous les gouvernemens étrangers, catholiques ou non catholiques, rivalisent de bienveillance envers ces religieux que nos jacobins poursuivent de leurs haines. Que