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REVUES ÉTRANGÈRES

UN MYSTIQUE PROTESTANT : JEAN-GASPART LAVATER


Johann Gaspar Lavater (1741-1801), Denkschrift zur hundertsten Wiederkehr seines Todestages, 1 vol. in-8o illustré, Zurich, librairie Müller.


Jean-Gaspard Lavater est aujourd’hui bien oublié. Son nom seul survit, dans notre mémoire, où il éveille vaguement l’image d’un vieillard ridicule, tout occupé à évaluer l’intelligence de ses contemporains d’après la forme de leur nez et la couleur de leurs yeux. Et, en effet, la publication : Fragmens philosophiques, destinés à renforcer entre les hommes la connaissance et l’amour réciproques, a été jadis pour l’Europe entière un événement philosophique des plus considérables. Mais il n’en est pas moins vrai, d’autre part, que dans la vie même de Lavater l’étude de la physiognomonie n’a jamais été qu’un épisode, un divertissement passager ; et si ses Fragmens ont contribué plus que ses autres ouvrages à le rendre fameux auprès du public, ce n’est pas à eux qu’il a dû la place éminente qu’il a tenue dans le mouvement intellectuel et moral de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ce n’est pas le fondateur hasardeux d’une science nouvelle, mais bien le poète, le philosophe, le théologien, qu’ont admiré en Lavater le vieux Kant et le jeune Fichte, Herder et Goethe, les plus grands esprits de son temps. Peu d’hommes, en vérité, ont exercé autour d’eux une influence aussi étendue que ce pasteur de Zurich, dont on a pu dire sans trop d’exagération qu’il avait été « le Rousseau de l’Allemagne ; » et son influence a été ressentie moins vivement encore par ses