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nationale. C’est une œuvre laïque, étrangère à tout intérêt confessionnel et à toute intolérance, où le libre penseur, le juif, le protestant, le franc-maçon s’assoient à côté des catholiques et délibérer ensemble sur les intérêts de la langue de Corneille et de Hugo dans les deux hémisphères.

Or, à qui vont la plupart des allocations et subventions de l’Alliance française ? Elles vont aux écoles ou aux collèges de nos congrégations reconnues ou non reconnues, à ces établissemens de Pères, de Frères, de Sœurs, sur lesquels va brutalement s’abattre la lourde main de législateurs aveugles. Et ces allocations de l’Alliance française aux écoles de nos congrégations aujourd’hui menacées, elles ne sont pas distribuées légèrement, sans examen ou sans discussion. L’Alliance n’est pas assez riche en face de sa tâche colossale pour accorder facilement les modestes subventions qu’elle distribue à nos écoles. Chaque répartition, chaque allocation est l’objet d’une enquête faite sur place, par les comités locaux, ou par les représentans de la France à l’étranger, par nos ambassadeurs et par nos consuls. Pour se rendre compte de l’importance et de la valeur de ces écoles congréganistes, il n’est pas nécessaire, comme il nous l’a été donné en nos voyages, de visiter les établissemens de nos religieux au loin, il suffirait, ainsi que nous l’avons plus d’une fois fait nous-même, de consulter les dossiers de l’Alliance française. Les hommes qui se défient de la partialité des œuvres catholiques, telles que la Propagation de la Foi ou les Ecoles d’Orient, grandes œuvres françaises qui, elles aussi, font honneur à la France, n’ont qu’à feuilleter le Bulletin de l’Alliance, à tous égards peu suspect de « cléricalisme. » Qu’ils prennent les diverses sections entre lesquelles l’Alliance a partagé le globe, l’Europe, le Levant, l’Extrême-Orient, l’Afrique, les deux Amériques, ils y découvriront, s’ils l’ignorent, que partout les principaux propagateurs de notre langue sont des religieux et des religieuses. Si, comme le vœu en a été exprimé à l’Alliance française, nous possédions un atlas nous donnant la répartition de nos écoles dans toutes les parties du monde, et que les écoles et collèges congréganistes y fussent marqués par une croix, on n’apercevrait guère, sur toutes les cartes, que des croix, et on les verrait se rapprocher et se multiplier dans les pays comme la Syrie, comme l’Egypte, ou encore comme le Canada, où la lutte entre les langues pour la suprématie est le plus acharnée.