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elle sortit grâce à 1 énergie de ce même duc d’Antin qui, dix ans plus tard, devait écrire à Poerson : « Dans le temps où le fonds des bâtimens était quasi réduit à rien, j’ai sauvé l’Académie de Rome et j’aime mieux prendre sur les choses les plus nécessaires icy que de diminuer rien de celle où vous estes. » Sentiment où la fierté patriotique s’unissait à une vue claire des véritables intérêts de l’art ! Et cependant l’institution que cet intelligent administrateur jugeait indispensable n’était pas alors ce qu’elle nous apparaît aujourd’hui, avec sa munificence plus étendue, ses règlemens plus larges, les voyages qu’elle impose aux pensionnaires dans km te l’Italie, en Sicile, en Grèce, en Autriche, en Allemagne, et cette résidence qui, par elle-même, porte une inspiration, un enseignement, sans compter le juste orgueil, pour une nation, d’offrir en terre étrangère, à ses fils plus spécialement doués, en vue de sa gloire, un aussi noble asile que cette merveilleuse Villa Médicis.

Mais comme il faut, ne fût-ce que pour les mieux réfuter, laisser la parole à toutes les opinions, revenons à cette lettre où le directeur Poerson, n’ayant pour excuse que d’avoir entretenu l’Académie de sa poche et de se trouver complètement aux abois, démontrait le peu de profit tiré par nos jeunes artistes de la contemplation directe des chefs-d’œuvre romains. La théorie est curieuse dans la bouche d’un homme intéressé par situation au relèvement plutôt qu’à la chute totale ; de l’Académie de France. Elle marque d’ailleurs un moment de notre histoire, en témoignant de la détresse où se trouvait un directeur réduit à réclamer la suppression de son poste. Et, puisqu’on l’a souvent reprise, et qu’on la reprend tous les jours encore, avec moins de circonstances atténuantes et plus d’animosité que Poerson, on nous excusera de citer la lettre tout entière.


23 juillet 1707.

« Je me donne l’honeur de vous escrire pour vous exposer, avec tout le respect imaginable, quelques pensées que j’ay eue, esgard au service du Roy, pour lequel vous prenés, Monseigneur, tant d’intérest. J’auray donc, s’il vous plaist, l’honneur de vous dire que les affaires sont, à ce que l’on dit, si embrouillées en cette Cour, toutte allemande, que je crois, autant que Monseigneur le jugera à propos, que Sa Majesté pouroit s’épargner la dépence de cette Académie, qui, quelques zèles et quelques