À ces colorans, Baeyer ne tardait pas à en ajouter d’autres, les phtaléines, voisines des rosanilines, et dont une des matières premières est la naphtaline, carbure solide, aujourd’hui bien connu, que l’on extrait aussi du goudron de houille. Ces phtaléines, — dont la plus curieuse est la fluorescéine, la plus employée la rhodamine, — donnent sur les tissus, en raison de leur fluorescence, des nuances extrêmement vives, douées d’un éclat singulier, en tous points comparable à celui de nos fleurs les plus délicates.
Enfin, à l’heure présente, de toutes les classes de matières colorantes artificielles, la plus importante, sans nul doute, est celle des composés azoïques, composés dus à l’action des oxydes de l’azote sur l’aniline et ses analogues. Ces corps, dont les plus connus sont la safranine, le rouge de Bordeaux et l’hélianthine, ont l’avantage de posséder des nuances claires qui complètent de la manière la plus heureuse les lacunes que pouvaient présenter les colorans des classes précédentes.
N’insistons pas davantage sur ces conquêtes de la chimie des couleurs. On obtient si aisément, aujourd’hui, des matières colorantes nouvelles que, dédaigneux d’augmenter ce genre de richesses, les chimistes tendent plutôt à diriger leurs études vers la recherche de produits moins dangereux à fabriquer que les composés azoïques (qui sont de véritables explosifs), plus résistans que les couleurs de rosaniline et que les phtaléines et, surtout, imprégnant les tissus d’une façon plus uniforme. À ce dernier point de vue, en effet, les milliers de colorans synthétiques actuellement connus et appartenant aux groupes précédens, ne valent pas, bien souvent, les couleurs naturelles et, surtout, l’indigo, qu’ils n’ont jamais pu supplanter dans la teinture des cotonnades unies.
La production mondiale de cette splendide matière colorante étant, annuellement, d’environ 5 millions de kilogrammes, d’une valeur totale de 60 à 75 millions de francs, on comprend l’intérêt qui s’attachait à sa fabrication synthétique.
Comme toujours, en pareil cas, une analyse minutieuse a précédé la synthèse : on a d’abord détruit la molécule d’indigotine, substance colorante de l’indigo ; on a étudié les divers termes de cette destruction et on les a reliés entre eux. C’est alors seulement qu’on s’est trouvé en mesure, en refaisant le même chemin en sens inverse, de reconstruire l’édifice abattu par les