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violemment pendant près d’une heure, ce gaz est absorbé par l’acide sulfurique qui se change en acide sulfovinique. Etendons ce nouvel acide de dix fois son volume d’eau et distillons : l’acide sulfurique est régénéré et l’on recueille de l’alcool, produit synthétique comme l’acétylène lui-même.

Que cet alcool synthétique puisse, dès aujourd’hui, lutter sur le marché avec l’alcool naturel, c’est là une pure illusion, étant donné le prix de revient du carbure de calcium. Mais ce qui n’est pas douteux, c’est que l’alcool synthétique menacerait très sérieusement l’alcool naturel si, un de ces jours, on finissait par découvrir ce qu’on cherche depuis assez longtemps déjà, savoir, un procédé simple et économique permettant de fabriquer au tour électrique, avec le chlorure de sodium comme matière première, du carbure de sodium. En effet, abstraction faite du chlore, en traitant ce carbure par l’eau, on aurait de l’acétylène, et le résidu, au lieu d’être de la chaux hydratée, substance presque sans valeur, serait de la soude caustique, produit dont nos lecteurs connaissent maintenant l’importance. Cette découverte, le hasard peut la procurer d’un moment à l’autre. N’est-ce pas à lui, si l’on en croit A. Janet, qu’est duc la découverte de la fabrication industrielle du carbure de calcium ? Dans l’usine Cowles, on avait jugé nécessaire, pour les rendre plus réfractaires, d’enduire d’une garniture de chaux mélangée de charbon, les creusets où l’on recueillait l’aluminium obtenu au four électrique. Si des gamins, en s’amusant à jeter de l’eau sur les débris des garnitures de creusets, n’avaient pas remarqué les premiers le dégagement d’acétylène, l’industrie, à cette heure, ne fabriquerait peut-être pas encore le précieux carbure.

C’est au hasard, aussi, qu’on doit la découverte, vers 1859, des premières couleurs d’aniline, la mauvéine et la fuchsine. À cette époque, nul ne pensait, fait remarquer Ch. Lauth, qu’on pourrait arriver à remplacer les matières colorantes naturelles (campèche, cochenille, orseille, garance, indigo, etc.) par des substances préparées de toutes pièces dans le laboratoire du chimiste ; nul ne pouvait supposer que l’on était à la veille d’une véritable révolution dans l’industrie de la teinture, quoique la fabrication de l’acide picrique, qui date de 1845, fût déjà un premier symptôme de bouleversement futur. Aussi, l’apparition de ces deux matières colorantes tirées, par des procédés très simples, d’une matière première, l’aniline, chimiquement