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d’une couleur rouge particulière, le peroxyde d’azote qui, dissous dans l’eau, donne de l’acide azotique.

Il ne s’agit plus que de faire passer cette expérience de laboratoire dans la pratique : c’est ce que prétendent réaliser MM. Bradley et Lovejoy. Dans le procédé imaginé par ces deux ingénieurs, un courant d’air est dirigé à l’intérieur d’un appareil spécial où ce mélange naturel d’azote et d’oxygène est soumis, à chaque minute, à l’action de près de 400 000 petits arcs électriques produits par une dynamo qui fournit un courant continu, sous une tension de 10 000 volts. Dans ces conditions, l’air est partiellement transformé en peroxyde d’azote et il suffit de l’envoyer ensuite dans une tour d’hydratation pour recueillir de l’acide azotique synthétique. Avec cet acide, on pourra facilement obtenir soit de l’azotate de soude, soit de l’azotate de potasse, en le faisant agir sur de la soude ou de la potasse. Il remplacera aussi l’acide azotique actuel dans ses applications : gravure sur cuivre et sur acier ; décapage du laiton et du bronze ; préparation de la nitrobenzine, de la nitroglycérine, de l’acide picrique, du coton-poudre, du collodion, des poudres sans fumée ; teinture en jaune de la laine et de la soie ; préparation des azotates métalliques et, en particulier, du mordant de fer utilisé pour teindre la soie en noir ; etc.

Sans nous hasarder à prédire si l’acide azotique et les azotates synthétiques préparés comme on vient de l’indiquer pourront, sous peu, faire concurrence aux azotates naturels et à l’acide azotique que l’on en extrait actuellement à l’aide de l’acide sulfurique, il est clair que, pour l’avenir, la fabrication par synthèse de ces corps doit être regardée comme parfaitement assurée. Pendant longtemps encore, les producteurs de blé pourront donc dormir tranquilles.

Pour en finir avec la grande industrie chimique, remarquons que ces nouveaux procédés de fabrication des acides usuels (acides sulfurique, chlorhydrique, azotique) auront pour conséquence d’accentuer la dispersion industrielle qui a commencé avec l’emploi des forces motrices naturelles.

Pendant toute la durée du xixe siècle, en effet, la fabrication qui constitue la branche d’industrie que nous venons d’étudier dans ces quelques pages, se concentrait en quelques points désignés par leur situation topographique ou économique et dans quelques usines où, par la force des choses, on produisait en