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donc inévitable, et c’est ici qu’on voit apparaître la chimie moderne, économe de combustible, soucieuse de ne rien laisser perdre et, dès lors, s’efforçant de récupérer ou de revivifier les agens de transformation employés.

Ainsi, dans le procédé Solvay, qui, dès 1872, a commencé à battre en brèche celui de Leblanc, on traite directement, à froid, par un courant d’acide carbonique, une solution de sel marin saturée d’ammoniaque. L’acide carbonique et l’ammoniaque, agissant sur le chlorure de sodium, séparent le chlore du sodium : d’un côté, l’ammoniaque s’unissant au chlore, il se forme du chlorure d’ammonium (sel ammoniac) qui, traité par la magnésie, régénère l’ammoniaque avec production de chlorure de magnésium ; de l’autre, l’acide carbonique s’unissant au sodium, il se forme du bicarbonate de soude, peu soluble, qui se précipite, qu’on recueille et qu’une légère calcination transforme en soude commerciale. Rien d’essentiel n’est perdu : d’abord, en traitant par le procédé Péchiney-Weldon le chlorure de magnésium, on obtient, en même temps que la régénération de la magnésie, la totalité du chlore de ce chlorure, c’est-à-dire, en définitive, la totalité du chlore du sel marin ; ensuite la calcination du bicarbonate de soude régénère la moitié de l’acide carbonique employé. Quant à la dépense de combustible, elle est à peine la moitié de celle qu’exige la méthode Leblanc.

Les producteurs de soude Leblanc, menacés par une aussi sérieuse concurrence, ont immédiatement songé à se défendre : appelant, eux aussi, la chimie à leur aide, ils se sont attachés à revivifier leur bioxyde de manganèse, à récupérer le soufre de leur acide sulfurique. Ils sont même arrivés, on employant le procédé Hargreaves, à économiser la fabrication de cet acide, fabrication qui, jusqu’alors, était connexe de celle de la soude. Ils ont remplacé, pour réduire les frais de main-d’œuvre et accroître la puissance de production, leurs fours fixes par des fours mécaniques. Enfin, grâce au procédé Deacon, ils extraient aujourd’hui de leur acide chlorhydrique la totalité de son chlore. Tous ces efforts ont prolongé la lutte. Mais la défaite était inévitable : dès l’origine, la soude Solvay revenait moins cher que la soude Leblanc, bien qu’on employât, au lieu de magnésie, de la chaux, ce qui, par suite de la formation d’un résidu à peu près inutilisable de chlorure de calcium, entraînait la perte de la totalité du chlore.