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Mgr le Duc de Bourgogne n’avoit pas, et dont il crut très mal à propos pouvoir se dissiper innocemment. Il avoit mangé, il étoit fort matin, il n’y avoit plus à marcher ; pour prendre un nouveau parti sur un passage fait auquel on ne s’attendoit pas, au moins si brusquement, il falloit attendre ce qu’il plairoit à M. De Vendôme. On étoit tout auprès de Tournay ; Mgr le Duc de Bourgogne y alla jouer à la paume. Cette partie subite scandalisa étrangement l’année, et renouvela tous les mauvais discours. La cabale, qui ne put accuser la lenteur du prince par la raison que je viens d’expliquer, et parce que M. De Vendôme ne lui avoit pas mandé de marcher à l’heure même, mais le lendemain matin ; la cabale, dis-je, se jeta sur la longueur du déjeuner en des circonstances pareilles, et sur une partie de paume faite si peu à propos ; et, là-dessus, toutes les chamarrures les plus indécentes et les plus audacieuses, à l’armée, à la Cour, à Paris, pour noyer la réelle importance du fait de M. De Vendôme par ce vacarme excité sur l’indécence de ceux de Mgr le Duc de Bourgogne en ces mêmes momens[1]. »

Si nous avons rapporté le témoignage peu suspect de Saint-Simon, c’est que la lecture attentive des dépêches, à l’aide desquelles nous avons souvent complété et rectifié son récit, n’explique pas bien ce qui s’est passé. Le Duc de Bourgogne dit bien qu’il a fait « battre la générale et sonner le boute-selle. » Mais il ne dit pas à quelle heure. Il se lamente au reste plus qu’il ne se justifie, et c’est tout au plus s’il rappelle, comme c’était son droit, qu’il n’avait jamais cru possible la garde de l’Escaut. « Je ne puis assez répéter à Vostre Majesté, écrit-il au Roi, combien il m’est douloureux d’avoir encore aussi mal réussi dans cette dernière affaire, qui cependant ne me surprend point, et sur laquelle vous sçavez que j’ai eu l’honneur de vous écrire plusieurs fois. » Saint-Frémond, auquel Chamillart avait écrit ironiquement : « les ennemis se sont levés plus matin que vous, » entrait dans des explications assez confuses. Vendôme ne s’expliquait pas davantage, et il se bornait à récriminer assez perfidement. « J’aurois bien fait, écrivait-il au Roi, marcher encore la brigade des Gardes et celle de Picardie qui comptent treize bataillons, et qui étoient très inutiles au camp de Saussois, mais la présence des princes assujettit à certaines choses

  1. Saint-Simon. Édition Boislisle, t. XVI, p. 456.