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n’est. C’est en user bien librement. Je crois devoir cette preuve de dévouement, et que Monseigneur s’apercevra de l’utilité qu’il en tirera, s’il veut bien en faire usage ; » et le Duc de Bourgogne lui répondait : « Je tascherai d’estre méchant ainsi que vous me lavez demandé par Madame la Duchesse de Bourgogne, et je sçay qu’il le faut estre pour maintenir la discipline surtout dans Testât où vous sçavez qu’elle est. »

Chamillart avait cru en même temps devoir informer le Duc de Bourgogne des propos qu’on tenait sur lui à la Cour. En homme habile, il avait encore fait passer ses bons avis par la Duchesse de Bourgogne, et donnait à entendre au prince qu’il avait pris son parti contre le public. Le Duc de Bourgogne lui répondait, non sans noblesse : « Madame la Duchesse de Bourgogne, s’est acquittée de votre commission et elle m’en parle dans toutes ses lettres. Je dois tascher de faire en sorte que l’on n’ait encore plus lieu de se fascher pour moy quand le public en pensera différemment de la vérité, car pourvu que l’on fasse son devoir, les discours du public doivent être méprisés[1]. »

Il ne suffisait pas de rétablir la discipline et de mépriser les discours du public ; il fallait encore, à un ennemi actif et ingénieux, opposer une activité et une ingéniosité égales. Mais il fallait aussi pour cela plus de vigueur que n’en avait le Duc de Bourgogne, plus de vigilance que n’en savait montrer Vendôme. On avait bien coupé aux ennemis toute communication avec leurs magasins de Bruxelles, d’Ath, d’Oudenarde, d’Anvers, mais ils étaient les maîtres de la mer, et, par terre, leurs communications demeuraient libres avec Ostende. Bientôt on eut avis que la flotte anglaise avait débarqué dans cette ville quatre mille sept cents hommes de troupes, avec toutes les munitions nécessaires à la continuation du siège, et que Marlborough envoyait au-devant de ces forces nouvelles un convoi de sept cent chariots, escorté de cinq mille hommes de troupes. Le vieux roi, toujours attentif et bien informé, signalait à son petit-fils ce nouveau péril. « Vous voyez, écrivait-il, que tout dépend de votre attention à donner au comte de la Mothe des moyens suffisans pour empescher les ennemis de rien tirer d’Ostende. Je ne puis rien vous préciser sur tous ces objets différens qui roulent uniquement sur vostre attention et sur les avis que vous recevrez. Ne perdez pas un

  1. Dépôt de la Guerre, 2 083. Chamillart au Duc de Bourgogne, 19 sept. 1708. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 23 sept. 1708.