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réglant. Laissons-la s’étendre sur l’Allemagne du Nord, de la Baltique à la ligne du Mein, toutefois à la condition d’indemniser sur la rive gauche du Rhin les princes qu’elle aurait à déposséder sur la rive droite, de manière qu’elle ne garde plus rien elle-même de ce qu’elle possédait de ce côté. Alors nous ne serons plus en contact sur notre frontière découverte qu’avec de petits États allemands placés entre nous comme des tampons pour amortir les chocs. L’œuvre de 1815 serait complètement détruite ; nous ne serions plus menacés d’aucun côté. Il resterait bien peu de chose à faire après cela pour achever notre constitution géographique. Il suffirait de réveiller les souvenirs des premiers temps de notre histoire, de créer une Confédération des Gaules, formée de la Hollande, de la Belgique, du Luxembourg, des États du Rhin et de la France. Sauf que nous n’aurions pas des préfets à Bruxelles, à La Haye, à Mayence, à Coblenz, le grand Empire serait reformé dans toute sa force et dans toute sa grandeur. »

Toujours le phare à éclipses, l’obscurité après la lueur ! Idéalement ce projet n’est pas plus mauvais que tout autre ; mais le croire réalisable, croire que la Prusse, de qui la Diète n’avait pu obtenir la création d’un nouveau petit État dans les Duchés, en constituerait un contre elle-même, avec ses provinces ; imaginer que les Rhénans et les Allemands, passionnément désireux de sortir des misères de leurs petites principautés et de vivre dans une grande patrie, se prêteraient à la restitution d’un passé dont ils abhorraient les derniers vestiges ; rêver que l’Angleterre et la Russie nous laisseraient tranquillement rétablir l’ancienne Confédération du Rhin accrue de la Belgique et de la Hollande, et nous donneraient la satisfaction de proclamer abolis les traités de 1815, c’était de la pure hallucination. Nous n’eussions réalisé cette constitution géographique qu’au prix d’une guerre effroyable contre l’Europe coalisée. Et comment Persigny osait-il proposer une entreprise aussi colossale, s’il était vrai, comme il l’a dit faussement, que nos arsenaux et notre trésor avaient été vidés par la guerre du Mexique ?

Il prétend que Walewski, Drouyn de Lhuys, Magne, Fould, Troplong donnèrent leur complète adhésion à ce fantastique projet, et que l’Empereur en fut vivement intéressé. Dans tous les cas, cet intérêt n’alla pas loin, car l’Empereur se garda de cette chevauchée dans le chimérique, et après la consultation,