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l’explosion d’une guerre en Allemagne, d’où sortirait une menace bien plus certaine que celle dont il avait été si vivement ému en 1859. On ne maintiendrait la paix qu’en ne se prêtant à aucune combinaison de quelque côté qu’elle vînt, et en se prononçant contre celui qui commencerait l’agression. La Vénétie pouvait bien attendre ; nous n’étions pas obligés de compromettre nos destinées pour achever celles de l’Italie.

Drouyn de Lhuys fit écarter cette opinion : on cesserait d’être neutre si on désignait celle des deux parties contre laquelle on agirait, le cas échéant. Il proposait, en principe du moins, de prendre en considération la démarche autrichienne, sauf à discuter sur les détails, car, dans cette proposition, il ne s’agissait pas de sortir de notre neutralité, mais d’y entraîner l’Italie. L’Impératrice le soutint, ainsi que Walewski, avec l’arrière-pensée que les circonstances permettraient, peut-être, tout en respectant l’unité de l’Italie dans le Nord, d’obtenir le rétablissement au moins partiel du patrimoine pontifical et la restauration du roi de Naples.


III

L’Empereur, avant de prendre un parti, communiqua la proposition autrichienne à l’Italie en lui demandant ce qu’elle en pensait, et si elle se croyait inexorablement liée.

Les raisons très spécieuses ne manquaient pas aux Italiens pour se dégager : ils n’avaient qu’à retourner contre Bismarck, avec une pointe d’ironie, le raisonnement qu’il leur avait tenu naguère : « Vous nous avez déclaré que, si l’Autriche vous faisait des propositions tout à fait satisfaisantes, notre traité ne vous empêcherait pas de les accepter et que vous ne vous croiriez obligé que de nous prévenir à temps. Eh bien ! nous faisons ce qu’à l’occasion vous auriez pratiqué à notre égard. »

Le loyal La Marmora n’était point homme à se payer de ces subterfuges. De plus, en sa finesse de vieux Piémontais, il sentait que la simple intention bismarckienne, d’un manque de parole toujours niable et non matériellement perceptible, ne le laverait pas d’un manquement public à l’honneur. Cependant, comme le prince Napoléon, il ne pouvait méconnaître combien il était grave de donner aux chances toujours périlleuses de la guerre ce qu’on pouvait obtenir par la neutralité. Ce double