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sur eux avec toutes ses forces. Il renouvela les mêmes assurances à Arese, ajoutant, il est vrai, que ces conseils n’impliquaient aucun engagement de sa part ni de la part du gouvernement français, que c’était simplement le conseil d’un ami. Pour que la mission du Prince ne fût pas ébruitée, il fit télégraphier par Nigra « que Malaret, notre ministre, devait être tenu en dehors de tout ceci, » et par Arese « que le Prince n’avait ni instruction ni commission de sa part, » ce qui, officiellement, était incontestable.

Ces avis de l’Empereur, nonobstant leur caractère tout personnel, eurent une influence décisive, surtout quand ils eurent été appuyés par l’éloquence du Prince Napoléon[1]. Un conseil des ministres présidé par le roi décida que des pleins pouvoirs seraient envoyés à Govone et à Barral. Bismarck en conçut une vive joie, car, se déliant de La Marmora autant que La Marmora se défiait de lui, il commençait à se demander si l’Italie, en même temps qu’elle paraissait négocier avec lui, ne s’arrangeait pas avec l’Autriche par l’intermédiaire de Napoléon III. « Si la France témoignait de la mauvaise volonté, avait dit Bismarck à Govone, alors on ne pourrait rien[2]. » C’était le contraire de la mauvaise volonté qu’elle témoignait. Dès lors les négociations se précipitèrent, et le traité fut signé le 8 avril à onze heures du soir. Le 9 au matin, Arese en reçut avis ; il le communiqua à l’Empereur, qui, le soir même, en instruisit Goltz.

Ce traité oblige Sa Majesté Italienne « à déclarer la guerre à l’Autriche sur l’initiative de la Prusse.

« A partir de ce moment, la guerre sera poursuivie par Leurs Majestés avec toutes les forces que la Providence a mises à leur disposition, et ni l’Italie, ni la Prusse ne concluront ni paix ni armistice sans consentement mutuel.

« Ce consentement ne saura être refusé quand l’Autriche aura consenti à céder à l’Italie le royaume lombard-vénitien et à la Prusse des territoires avoisinans équivalant audit royaume en population. Ce traité expirera trois mois après la signature si, dans ces trois mois, le cas prévu à l’article 2 ne s’est pas réalisé, savoir que la Prusse n’aura pas déclaré la guerre à l’Autriche.

  1. Usedom écrivait que le Prince Napoléon était arrivé pour déconseiller une alliance avec la Prusse. Loftus répète la même absurdité. La crédulité de ces diplomates qui font métier de ne croire à rien est parfois déconcertante.
  2. La Marmora. Un po più di luce, p. 139.