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qui, au nom de la Vérité et de la Justice, annoncent de nouveaux projets d’agitation ? Nous pensons d’eux, exactement ce qu’ils disent des nationalistes, à savoir qu’ils exploitent une grande et noble idée dans un intérêt de parti ou de secte, et quelquefois même dans de simples intérêts personnels. Si cette exploitation leur paraît cynique et odieuse chez les autres, pourquoi ne produirait-elle le même effet chez eux ? Le patriotisme, disent-ils, n’est pas un monopole ! Sans doute, mais le culte de la Vérité et de la Justice n’en est pas un non plus. Il y a même cette différence que tout le monde sait où est la patrie, tandis qu’on ne sait pas aussi sûrement où sont la Justice et la Vérité. L’expérience n’a que trop montré qu’on pouvait s’y tromper.

Qu’on cesse donc d’agiter ces fantômes du passé : ils nous ont ffait assez de mal. Grâce à l’affaire Dreyfus, les socialistes sont les vainqueurs de l’heure présente : qu’ils se contentent de leur victoire, sans mêler une fois de plus la politique à la justice, ou la justice à la politique, et sans rallumer les passions qui tendent enfin à s’éteindre. On dira peut-être que nous nous exposons nous aussi au même danger en parlant de l’affaire ; mais, si nous en parlons dans une chronique de la quinzaine, c’est parce qu’on en a parlé depuis quinze jours à la Chambre, trop bruyamment pour que nous ayons l’air de n’avoir pas entendu. Et cela est encore un signe de la confusion actuelle et de l’anarchie qui règne partout.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.