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avec excès. A aucun autre moment de notre histoire et dans aucun autre pays du monde, on n’aurait pu faire tout ce qu’on fait aujourd’hui chez nous, non seulement contre les congrégations, mais contre l’Église et la religion elles-mêmes, sans provoquer de la part de l’épiscopat une protestation que nous n’avons pas encore entendue. Ce n’est pas que nous désirions l’entendre. Nous comprenons le silence des évêques dans un moment où leur intervention, quelque discrète qu’elle fût, ne pourrait qu’exciter encore les passions et les colères. Le moindre cri de douleur qui leur échappe quelquefois, rarement, est exploité avec une rare perfidie contre eux et contre la cause qu’ils défendent. M. Combes s’en empare pour crier à la violation du Concordat. Il n’y a donc pas lieu de blâmer la prudence de l’épiscopat, mais du moins il est permis de la constater, et de dire que le gouvernement n’a pas le droit d’incriminer un procédé de nomination des évêques qui a produit ces résultats. On comprendrait que les catholiques le fissent ; mais M. Combes, non.

Il l’a fait pourtant, et même avec une singulière acrimonie. Parce qu’il a pu recueillir, ici ou là, quelques soupirs mal étouffés, il a soutenu que le Concordat était tous les jours violé par l’Eglise, tandis qu’il ne l’avait jamais été par l’État. Situation intolérable, a-t-il dit, qui ne saurait se prolonger longtemps, sans que les partisans de la séparation de l’Église et de l’Etat obtinssent satisfaction. Cette satisfaction, a-t-il même ajouté, est peut-être très prochaine. C’est la première fois qu’un chef de gouvernement dénonce un pareil péril : en le dénonçant, il le crée. Dans tout son discours, M. Combes a paru désirer la rupture, mais avec la préoccupation visible d’en rejeter sur l’Église toute la responsabilité. Étrange négociateur que lui, à supposer qu’il veuille aboutir à la conciliation ! Il négocie du haut de la tribune à coups d’ultimatum. Il intéresse l’amour-propre des deux parties à repousser toute transaction. Il coupe hardiment les ponts derrière l’une et derrière l’autre, mettant au défi le ministre qui lui succédera de ne pas suivre la politique qu’il a inaugurée, et s’efforçant de placer le Pape dans une situation telle qu’il ne puisse pas céder sans sacrifier quelque chose de sa dignité. Si M. Combes veut rompre le Concordat, tout s’explique ; mais, s’il ne le veut pas et s’il est resté fidèle à son programme de la première heure, qui excluait la séparation de l’Église et de l’État, nous cessons de comprendre. L’autre jour encore, dans son discours au Sénat, il a repoussé cette solution, qui n’est pas mûre, a-t-il dit, et à laquelle l’opinion n’est pas suffisamment préparée ; mais en même temps il avait l’air de l’appeler de tous ses