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l’étalon d’argent, comme les établissemens du détroit de Malacca (Straits Setllements), il est question d’y substituer l’étalon d’or, que le Siam, royaume indépendant, mais où l’influence britannique est indéniable, vient d’adopter. Pendant que nous sommes en Asie, rappelons que le Japon a, dès 1897, agi de même et institué l’étalon d’or, grâce, en partie, aux ressources que lui fournissait l’indemnité de guerre chinoise. C’est ainsi que l’Allemagne, après 1870, puisa dans nos cinq milliards l’élément nécessaire à l’accomplissement de sa réforme monétaire.

Le pays qui tient aujourd’hui la première place dans le mouvement commercial et industriel, — nous avons nommé les Etats-Unis d’Amérique, — a tranché la question comme l’Allemagne vient de le faire. Ici, la situation se présentait tout autrement que dans ce dernier empire : celui-ci, en 1873, voulait se débarrasser d’une législation bimétalliste mal définie, d’une circulation de nombreuses monnaies d’argent. Les Etats-Unis, au contraire, ont présenté au monde le spectacle aussi extraordinaire qu’instructif d’une grande communauté qui a essayé de revenir en arrière et d’abandonner l’étalon d’or, restauré chez elle après la guerre de Sécession et la suppression du cours forcé établi au cours de cette guerre. Sous l’influence d’un parti puissant, qui représentait les intérêts miniers de l’Ouest, le Congrès de Washington tenta, pendant seize ans, de 1878 à 1893, de saturer la circulation américaine de monnaies d’argent, puis de billets gagés par des lingots de métal blanc. Il vota deux lois qui ordonnaient l’achat mensuel, par le Trésor, d’abord d’environ 10 millions (loi Bland), puis de 27 millions de francs d’argent (loi Sherman)[1], c’est-à-dire de 125 millions par an, de 1878 à 1890 ; d’environ 300 millions à partir de cette dernière date. Jamais pareil effort n’avait été tenté pour fausser les conditions naturelles du marché monétaire ; jamais les partisans d’une législation factice n’eurent plus belle occasion d’appliquer leurs théories et de se livrer à des expériences, que, seule, la richesse exubérante de l’Amérique permettait d’entreprendre. Et cependant le résultat fut nul et contraire à toutes les espérances que les propriétaires de mines d’argent avaient conçues. En dépit de ces énormes achats, les cours du métal ne se relevèrent pas. Voici, en effet, quel a été, depuis lors, le cours moyen de l’argent

  1. Nous comptons, dans ces calculs, l’argent à la’ valeur monétaire que lui donne la loi française, 222 fr. le kilogramme.