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toute vraisemblance, dans sept ou huit ans, l’Allemagne ne connaîtra d’autre monnaie libératoire que l’or et sera sous un régime identique à celui de la Grande-Bretagne, qui, depuis bientôt un siècle, a institué l’étalon d’or et n’a cessé d’en étendre les effets, non seulement chez elle, mais dans la plupart de ses colonies. Jamais la Banque d’Angleterre n’a fait usage de l’article de sa charte qui lui permet de constituer en argent le cinquième de son encaisse, toujours rigoureusement composée de lingots ou de pièces de métal jaune.

Mais là où le gouvernement britannique a accompli la réforme la plus remarquable, c’est aux Indes : dans cette vaste possession, l’argent régnait en maître ; la roupie d’argent était la monnaie courante qui servait à régler toutes les transactions. En 1893, préoccupé de la baisse ininterrompue du métal blanc, que les événemens d’Amérique, dont nous parlerons dans un instant, menaçaient encore de précipiter, le cabinet de Saint-James, d’accord avec le vice-roi et le Conseil des Indes, suspendit la libre frappe de la roupie, qui se trouva ainsi ramenée à l’état de nos écus de cinq francs : elle continuait à être monnaie libératoire, mais la quantité en circulation ne pouvait plus en être augmentée du chef de l’apport de lingots par les particuliers aux Hôtels des monnaies de Calcutta et de Bombay. Tout au plus le droit était-il réservé au gouvernement de frapper des roupies pour les besoins de la circulation et notamment pour en délivrer à ceux qui lui apporteraient des monnaies d’or, l’échange se faisant sur le pied de 15 roupies contre une livre sterling. En 1900, il a été l’ait un second pas, plus hardi et significatif, dans la voie de la réforme : désormais, non seulement le gouvernement indien donne 15 roupies d’argent à qui lui présente un souverain d’or ; mais il donne également, au moyen d’une réserve constituée à cet effet, un souverain d’or à qui lui apporte 15 roupies d’argent. C’est l’étalon d’or établi aux Indes, dans cette immense région peuplée de 300 millions d’habitans et où il semblait naguère que le métal blanc ne pût être détrôné.

Nous ne parlerons pas des colonies anglaises, telles que l’Australie, l’Afrique du Sud ou le Canada, qui n’ont jamais connu d’autre monnaie que l’or, le dernier avec cette particularité curieuse qu’il ne frappe point de monnaie indigène, mais se contente de se servir de pièces anglaises et américaines, qui alimentent sa circulation. Dans d’autres colonies, qui ont encore