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par cet athlète de la cause sociale ne fut jamais compatible avec des manchettes de dentelle ; il retrousse volontiers ses manches, au contraire, pour de gros ouvrages : nettoyer à tour de bras, raccommoder, redresser tout ce qui va de travers, assainir coûte que coûte l’atmosphère morale. Ni poète, ni philosophe, ni homme du monde surtout. Il a toujours esquivé le plus possible les honneurs, les distinctions qui sont venus le chercher. Présidence des congrès, places en évidence dans les conventions de toute sorte, tant aux Etats-Unis qu’à l’étranger, il redoute, il fuit tout cela, ayant autre chose à faire d’abord, et puis n’étant point, il le reconnaît d’un ton de bonne humeur, suffisamment décoratif ! Mais ce n’est pas en affectant les dédains et les préjugés des sociétés vieillies que la République américaine se montrera vraiment grande, et nous ne pouvons que lui souhaiter d’emprunter à l’Europe beaucoup de citoyens de la trempe de Jacob Riis.

Ce simple reporter de police aura prouvé aux gens de tous pays comment un métier, quel qu’il soit, peut être relevé par le caractère. Il leur aura enseigné, en outre, comment on devient un homme heureux ; mieux encore, à l’en croire : le plus heureux des hommes[1].


TH. BENTZON.

  1. Un nouveau livre, presque aussi personnel que celui dont nous venons de rendre compte, a paru récemment : The Battle with the Slum, C’est toujours la même lutte contre les mauvaises influences des quartiers pauvres. Jacob Riis assure qu’ils se sont améliorés pendant les trois dernières années plus qu’ils ne l’avaient fait en trente ans.