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l’augmentation d’impôts était assez problématique, l’événement l’a prouvé.

De tous les avantages énumérés précédemment, il n’en reste en réalité qu’un seul : c’est le grand acte de justice et de haute politique qui mettait fin à la situation précaire des indigènes et leur ôtait un des principaux mobiles d’insurrection en donnant une sanction définitive à leur possession traditionnelle. Malheureusement cet acte se rattachait à une conception politique qui nous a causé des déceptions plus amères : l’Empire professait et appliquait alors en Europe la théorie des nationalités, et l’idée d’un royaume arabe en était une conséquence naturelle. Si la question avait été étudiée avec moins de préjugés et plus de sens pratique, on eût compris que cette solution de haute équité était facilement conciliable avec les besoins d’une colonisation qui apparaissait dès lors comme la condition nécessaire de la conservation de notre conquête.

L’Arabe est par-dessus tout un destructeur ; sans souci de l’avenir, il ruine les pays qu’il occupe et ne cherche à tirer d’eux que sa subsistance. Il était donc inutile de laisser la propriété de plus de 30 millions d’hectares à une population de 2 millions d’indigènes, qui s’y meuvent trop largement ; on pouvait facilement prélever un cinquième ou un quart du territoire pour la colonisation et conférer ensuite la propriété définitive du surplus aux indigènes. Cette opération n’avait rien que de légitime, car elle constituait pour les tribus un sérieux avantage, en même temps qu’elle leur infligeait la peine méritée pour leur longue résistance, et si quelque scrupule de légalité avait inquiété la conscience du législateur, les jurisconsultes n’auraient pas été en peine de trouver dans les coutumes arabes les moyens de les calmer ; d’ailleurs, on avait procédé, sous le gouvernement des maréchaux Randon et Pélissier, dans un certain nombre de tribus, au « cantonnement » des indigènes au moyen du prélèvement d’un cinquième de leur territoire, et ils avaient accepté sans la moindre protestation cette mesure qui leur laissait encore la jouissance de surfaces considérables. Si le sénatus-consulte de 1863 avait ainsi posé la question, le gouvernement aurait disposé, sans bourse délier, d’énormes étendues de terrains à consacrer à la colonisation, au lieu d’obliger celle-ci à négocier péniblement l’achat, des terres aux indigènes. Cette faute pèse encore lourdement sur la colonie, car elle a