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qui, en présence de toutes ces œuvres admirables, oseraient prétendre que les Français ne savent pas coloniser. » C’est en ces termes que le célèbre voyageur allemand G. Rohlfs apprécie notre œuvre dans l’Afrique du Nord. La même impression se retrouve chez Tchihatcheff, ainsi que chez beaucoup d’autres étrangers qui ont parcouru notre colonie, et le plus bel éloge qu’on puisse en faire est de rappeler les convoitises qu’elle inspire à certaines puissances européennes. Appliquée à la colonisation algérienne, l’épithète d’admirable n’a rien d’exagéré ; celui qui débarque pour la première fois en Algérie ne peut s’empêcher de reconnaître la grandeur des résultats obtenus ; à plus forte raison est-on émerveillé, si l’on a connu le pays il y a une trentaine d’années. Quel que soit le sort réservé par l’avenir à la France africaine, elle n’en constituera pas moins un des monumens les plus remarquables du génie français. C’est dire qu’en abordant ce sujet nous sommes heureux de témoigner hautement notre admiration pour l’œuvre accomplie au-delà de la Méditerranée, et notre profonde sympathie pour le merveilleux pays où nous avons passé quelques-unes des meilleures années de notre existence. En mettant à nu les principales des plaies qui échappent à l’observation superficielle, nous n’avons pour but que d’appeler sur elles l’attention de ceux-qui peuvent y porter remède ; nous estimons, en effet, qu’il est pernicieux de se bercer d’illusions et que la franchise est toujours un devoir. Etranger à toutes les polémiques qui divisent ou ont divisé la colonie, nous n’apportons dans les nombreuses critiques qu’on va lire ni arrière-pensée, ni animosité ; nous constatons des faits sans nous préoccuper des personnalités ; et noire seul désir serait que ces quelques pages pussent épargner, à ceux qui, dans l’avenir, seront chargés de diriger la colonie, quelques-unes des erreurs du passé.

Au recensement de 1896, la population totale de l’Algérie atteignait plus de 4 400 000 habitans, qui se décomposaient de la manière suivante[1] :


Français 316 000
Étrangers 220 000
Israélites 49 000
Indigènes 3 675 000

Contrairement à ce qui se passe en France, l’accroissement

  1. Ces chiffres ne comprennent pas la « population flottante, » qui dépasse 70 000 personnes, en grande majorité de nationalité française (armée, etc.).