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tels que ces tramways perdent de l’argent intra muros, malgré l’affluence des voyageurs, tandis qu’ils en gagnent dans la banlieue, avec le trolley, quoique la clientèle soit beaucoup moindre. La clientèle, d’ailleurs, ne peut suffire partout aux divers moyens de transport qui la sollicitent. Parfois les nouveaux tramways l’emportent : les omnibus « Charenton-Bastille » étaient battus par le chemin de fer de Vincennes, que la Compagnie Thomson-Houston, grâce à ses tarifs, a très rondement dépossédé. « Malakoff-Les Halles, » des Tramways Sud, concurrence de même à moitié prix la ligne des omnibus « Plaisance-Hôtel de Ville, » qu’elle coudoie sans cesse, et fait ainsi 120 francs par voiture.

Mais la moisson n’est pas toujours aussi fructueuse. Sur les dix-neuf concessions accordées, une partie, — la moins bonne, — reste à l’état de projet ; les intéressés ne veulent ou ne peuvent exécuter un marché dont ils voient maintenant les périls. Le service des lignes qui fonctionnent est défectueux, parce que les fonds manquent pour l’assurer convenablement. Dans les Compagnies qui exploitent simultanément d’anciens parcours, à 0 fr. 15 et 0 fr. 30, et des parcours nouveaux, à 0 fr. 10 et 0 fr. 15, le bénéfice des premiers atténue le déficit des seconds. Dans les entreprises récentes, — « Tramways de la Rive gauche, » « Est » ou « Ouest Parisien, » — le capital disparaît goutte à goutte. Il ne tardera pas à s’épuiser, et déjà l’on peut considérer comme illusoire le terme de 1930 assigné aux engagemens réciproques de la Ville et de ses contractans. Ceux-ci, aux prises avec leurs difficultés financières, demandent à la municipalité d’accroître leurs recettes, en relevant les tarifs, ou de réduire leurs dépenses en autorisant le trolley.

L’une et l’autre permissions leur ont été refusées. « Ils n’avaient, leur a-t-on répondu, qu’à mieux faire leurs calculs. Ce n’est pas à eux, mais au public lésé par leur inertie et leur gestion mauvaise, qu’il appartient de se plaindre. » L’Hôtel de Ville, le Palais-Bourbon ont entendu l’écho de ces doléances, que le représentant de l’Etat a décemment clôturées en ces termes : « Là où il n’y a rien, le gouvernement perd son droit. »

Les affaires de transport urbain, en effet, sont si parfaitement embourbées et embrouillées, grâce au système suivi à leur égard, que le pouvoir est vis-à-vis d’elles désarmé. Comme en tout échec, chacun rejette sur d’autres la responsabilité, et peu