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s’agit de ces petites maisons où les objets nécessaires à l’armement d’un bâtiment sont serrés et étiquetés, et dont le capitaine a seul la clef. Comme on attachait un grand prix à la construction des torpilleurs, qui allaient constituer l’élément le plus important du système, on résolut d’ouvrir un concours auquel les industriels seraient invités à prendre part, et dont le but était de fournir à la marine nu type unique et définitif. Le concours réussit au-delà de toute espérance : ce fut le célèbre Schichau qui remporta le prix. Ses navires soutinrent la comparaison avec tous les navires similaires de l’Europe. Depuis, on sait quelle vogue extraordinaire ils obtinrent. Le résultat fut une flottille homogène, à tous égards excellente et qui, dans une large mesure, devait assurer la sécurité du littoral. Un crédit extraordinaire de 21 millions fut aussitôt consacré à la mise en chantier des nouveaux modèles. Mais M. De Caprivi ne voulut pas seulement s’occuper de la défense mobile. Il s’inquiéta en même temps de la défense fixe. Conformément au principe posé par M. De Moltke, il réclama pour son département les batteries de l’Elbe et de la Weser. Afin que cette mesure, qui assurait à l’élément naval la suprématie sur les côtes, devînt irrévocable et définitive, il créa des compagnies de matelots canonniers, spécialement affectés aux ouvrages de terre. Des mesures, plus sérieuses encore peut-être, marquèrent son passage aux affaires. Il régla avec une précision admirable et une entente merveilleuse des besoins du service tous les détails de la mobilisation, c’est-à-dire de l’opération la plus compliquée et aussi la plus importante du début de la guerre. Cette grande œuvre subsiste encore, au moins dans ses lignes principales, et l’on sait que l’Allemagne est une des nations de l’Europe qui peuvent le plus rapidement et avec le plus d’ordre procéder à l’armement de leurs forces de mer. En résumé, si M. De Caprivi n’a pas rempli toutes les espérances de la marine ; si, conformément à la tradition militaire, il l’a condamnée au rôle d’auxiliaire ; s’il a construit peu de grandes unités ; s’il en a construit beaucoup de médiocres et s’il n’a rien voulu faire dans le sens de l’offensive, au moins a-t-il exécuté complètement, avec une grande hauteur de vues et une réelle supériorité d’esprit, le programme qu’il s’était tracé.

L’accession au trône de Guillaume II eut, pour, la marine, l’importance d’une révolution. Pour la première fois depuis que la Prusse existait, un marin fut mis à sa tête. C’était l’amiral