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favorisaient la sortie. Tels sont la plupart de nos ports de France : Le Havre, Marseille, Dunkerque. Tels étaient presque tous les ports antiques. M. Bérard, dans son beau livre sur l’Odyssée, remarque que tous les comptoirs phéniciens ont été établis à l’extrémité de caps qui, souvent, s’avançaient au loin dans la mer. Au contraire, les ports placés à l’intérieur du pays, séparés du large par de grands espaces, et qu’on ne pouvait atteindre qu’en franchissant des passes étroites ou qu’en suivant toutes les sinuosités d’une rivière, exposaient à beaucoup de dangers les vaisseaux, à beaucoup d’inquiétudes et de travail leurs capitaines. Le vent, seul moteur connu alors, pouvait pendant des mois entiers les emprisonner dans des rades bien closes, ou leur interdire pendant le même temps l’atterrissage. L’invention de la vapeur a changé, du tout au tout, cette situation. Ce qui était une cause de faiblesse et d’inaction est devenu une cause de sécurité et de puissance. De même ce qui était une cause de sécurité est devenu une cause de faiblesse. Le vent a passé à l’état de facteur négligeable. Du coup, les ports à fleur de côte ont perdu leurs avantages. Ils ont été exposés aux insultes d’une artillerie perfectionnée. Les ports situés à l’intérieur du pays ont pris, en revanche, une importance considérable. Leur accès a été subitement rendu facile et ils ont offert un abri sûr aux navires isolés comme aux escadres.

Ces goulets étroits qui en empêchaient la fréquentation, ces rives tourmentées des fleuves qui ralentissaient ou arrêtaient la marche des navires, se sont hérissés de canons, ont rendu dangereuses, souvent impossibles, les entreprises de l’ennemi. Au fond de refuges inaccessibles, on a pu panser les blessures des coques ou des machines en toute tranquillité ; établir des docks et des magasins qui n’avaient plus à craindre la destruction ; charger ou décharger des marchandises ; se ravitailler en munitions ou en vivres. Une transformation si absolue du littoral et des conditions mêmes de la guerre sur mer devait puissamment servir les desseins de l’Allemagne. Mais, au temps de Frédéric-Guillaume, la vapeur n’était pas connue et toutes les difficultés, inhérentes à la marine à voile, subsistaient.

Plus que tout cela, ce qui embarrassait Frédéric-Guillaume, c’était, outre le manque de constructeurs de navires et même de chantiers de constructions, le dénûment absolu où il se trouvait relativement au personnel. La population des côtes, très