commettre au sort d’une bataille, tels qu’ils soient, il n’y en a point qui ne doivent être préférés à ce remède extresme qui entraîneroit la perte de l’armée avec celle de Lille[1]. »
Vendôme n’essayait point d’en disconvenir, et dans une longue dépêche au Roi, il s’en prenait de cette nécessité au mauvais esprit que quelques officiers généraux avaient répandu dans toute l’armée, « sans en excepter les officiers particuliers et les soldats, à un point qu’il n’y a personne que cela ne doive faire trembler, » et il continuait : « Vostre Majesté connaît mon zèle et ma bonne volonté, mais je croirois la trahir en lui disant que j’espère réussir en attaquant les ennemis. Aussy je ne balance point, en bon et fidèle sujet comme je le suis, de dire à Vostre Majesté, vu toutes les circonstances susdites, tant du poste des ennemis que du mauvais esprit qui est répandu dans l’armée, qu’il n’y a aucuns moyens pour sauver Lille que l’on ne doive tenter plustôt que d’en venir à une action, car la chose en est venue à un point que je ne répondrois pas que les soldats voulussent me suivre. Je pleure des larmes de sang de ce que je vois depuis six jours, et si Votre Majesté ne fait des exemples surtout cela, elle ne sera point bien servie[2]. »
Le Roi ne fit point d’exemples, et il eut raison. S’il y avait assurément mauvais esprit du côté de Berwick, les dispositions du côté de Vendôme n’étaient pas meilleures, et d’ailleurs c’était à son aveuglement obstiné au lendemain d’Oudenarde, à la lenteur fatale de sa mise en mouvement, puis de sa marche, à la nonchalance qu’il avait apportée dans l’exécution d’ordres formels, que le Roi aurait eu le droit de s’en prendre. Comment, d’autre part, aurait-il pu reprocher à son trop docile petit-fils d’avoir hésité entre des avis divergens et de s’en être rapporté à lui ? Sans colère, il révoqua donc, à la grande joie de Vendôme (ce sont les mots mêmes dont celui-ci se sert)[3], l’ordre qu’il avait donné d’engager une action à tout prix, et il autorisa une retraite sans combat. Le 15, l’armée repassa la Marck, tournant le dos aux ennemis. Cette retraite aurait bien pu se changer en déroute : le prince Eugène voulait sortir de ses retranchemens et s’attacher à la poursuite d’adversaires qui se dérobaient. « Je suis persuadé, dit Berwick dans ses Mémoires, que, si ce projet eût été