trouvait ainsi le confident des deux parties, justifiait l’avis qu’il avait donné. Il faisait valoir la forte position des ennemis, la difficulté de les attaquer et il ajoutait : « Je me croys obligé de vous parler franchement, n’ayant d’autre objet que le service du Roy… Avec une infanterie déjà rebuttée et des bataillons peu nombreux, on courroit risque, non seulement désire repoussés, mais d’estre mesme ensuite culbuttés totalement. Il est triste de voir perdre Lille, mais il seroit plus triste encore de voir perdre l’unique armée qui nous reste et qui puisse arrester l’ennemy après la perte de Lille. S’il y avoit apparence de réussite, on pourroit hasarder ; mais je vous avoue que je ne puis augurer rien de bon si l’on se détermine à attaquer les ennemis où ils sont[1]. »
Quant au Duc de Bourgogne, dans sa dépêche au Roi, il reproduisait les argumens donnés par Vendôme, les objections soulevées par Berwick, qu’il ne nommait cependant pas et il ajoutait : « Je scay que sur ces précautions il y a toujours beaucoup à rabattre, que la volonté des trouppes est meilleure qu’elle ne l’a jamais été, et que, si d’un costé l’extresme confiance de M. De Vendosme est à craindre, de l’autre des conseils timides ne le sont pas moins. » Comme conclusion, il se bornait à demander des ordres formels au Roi. Mais, par le même courrier qui emportait cette dépêche où, suivant sa propre expression, il mettait les choses en balance, le Duc de Bourgogne adressait à Madame de Maintenon une lettre particulière, et, dans cette lettre, il exprimait son sentiment véritable, qui était nettement opposé à l’attaque. Il s’appuyait sur l’opinion de Berwick et sur celle de tous les gens sensés de l’armée « où il y a une grande quantité d’officiers courageux et expérimentés » pour l’opposer à celle de Vendôme « piqué de la dernière affaire, plus attachée que jamais à son sens et à rejeter l’opinion commune. » Sans doute il aurait souhaité « qu’une glorieuse journée eût conservé Lille et rabattu l’orgueil des ennemis ; » mais Vendôme étant seul de son sens, il a cru du bien de l’État que le Roi sût les choses telles qu’elles sont, afin qu’il en décidât. C’est à lui de parler, « aux autres d’obéir, à moins que les retranchemens des ennemis n’aient rendu la chose tellement disproportionnée qu’il devînt de
- ↑ Dépôt de la Guerre, 2083. Vendôme au Roi et à Chamillart ; Berwick à Chamillart, 6 sept. 1708. La dépêche de Vendôme au Roi et à Chamillart et la lettre de Berwick à Chamillart ont été publiées par Pelet, t. VIII, p. 88 et 90.