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de fer à ceux des services publics. En d’autres termes, l’exercice du droit de grève leur est interdit. Le projet porte en substance que tout fonctionnaire, ou toute personne employée soit dans un service public, soit dans les chemins de fer, qui refusera de remplir ses fonctions, sera passible d’un emprisonnement de six mois. Cet emprisonnement pourra être porté à quatre ans, s’il y a rébellion, pour les chefs de la rébellion et pour leurs complices. Ce sont là des peines très rigoureuses.

M. Kuyper ne recule pas devant les colères de l’opposition, qui lui rendraient, au surplus, la retraite ou même une transaction difficile quand même il y serait disposé. Interpellé l’autre jour à la Chambre sur la conduite du gouvernement pendant la grève, conduite effacée et inerte, et sur la revanche d’énergie qu’il prend aujourd’hui tardivement et avec excès, il a répondu avec beaucoup de sang-froid et de fermeté. La procédure parlementaire est d’ailleurs si lente en Hollande que la discussion des projets de loi ne pourra pas commencer avant quelques semaines. Il est difficile de prévoir si, pendant ce temps-là, les ardeurs de l’opposition iront en s’atténuant ou en s’aggravant. Le gouvernement paraît sûr de la majorité dans la Chambre ; mais, dans le pays, l’agitation est extrême, quoiqu’il s’en faille de beaucoup que tous les ouvriers y prennent part dans le même sens. Beaucoup approuvent le gouvernement ; ils demandent à être protégés et à travailler.

M. Kuyper déclare qu’il a tout prévu, même une grève générale, qu’il fera face à tous les événemens, et que la liberté du travail sera, dans tous les cas, assurée. Quelque opinion que l’on ait sur son attitude, elle est franche et ferme. On ne lui reprochera pas de n’avoir pas posé la question clairement. Quant à sa manière de la résoudre, nous ne pouvons pas encore la juger en pleine connaissance de cause. Nous ne serons que dans quelque temps à même de dire si elle fait plus d’honneur à son intelligence politique ou à son courage. Celui-ci du moins est incontestable, et c’est la première fois qu’un ministre aborde de front une difficulté devant laquelle tant d’autres ont louvoyé ou cédé.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.