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de dire qu’il l’a retirée depuis, — parce qu’on lui a refusé un crédit de 8 millions qui lui semblait indispensable pour l’achat de munitions et d’approvisionnemens. Si le crédit avait été accordé, on n’aurait pas manqué de dire, et non sans raison, que la Bulgarie armait, et le prince Ferdinand aurait donné par là un démenti à sa politique d’attente pacifique et confiante. Elle est du moins confiante en apparence ; nul ne peut dire à quel point elle l’est en réalité. La démission du général Paprikof, dans les circonstances actuelles et avec le motif avoué qui l’a déterminée, est un symptôme significatif. Elle n’a pas été maintenue : le prince Ferdinand a eu assez d’autorité sur son ministre pour lui faire sentir le danger d’une pareille manifestation. Il a sans doute fait appel à ses sentimens de loyalisme et cet appel a été entendu. Le général Paprikof n’a pas voulu aggraver une crise qui est déjà assez redoutable par elle-même ; mais les premiers sentimens auxquels il a cédé sont ceux d’une grande partie du pays. Le général prétend ne s’être inspiré que des considérations militaires ; il est soldat ; il a vu que la Porte armait, et il a voulu armer de son côté. Sa démission n’en prouve pas moins qu’il regardait la guerre comme probable, et qu’il n’a pas voulu en accepter la responsabilité sans avoir pris les dispositions indispensables pour la soutenir. Quelle qu’ait été la pensée secrète de son ministre, on ne peut qu’approuver le prince Ferdinand de ne s’y être pas prêté. Quand on s’est engagé dans une politique avec autant de résolution et de netteté qu’il l’a fait, le plus sage est de s’y tenir. Rien n’est pire que de passer d’un parti à un autre ; c’est le signe des gouvernemens sans caractère et sans volonté. Devant la Chambre, M. Danef, interpellé sur les mesures exécutées par le gouvernement, arrestation des chefs révolutionnaires et dissolution des comités, s’est exprimé dans les termes les plus catégoriques. On n’a pas tenu un autre langage à Vienne et à Pesth, où le gouvernement a eu aussi à s’expliquer sur sa politique. Cette politique se définit en deux mois : réformes administratives en Macédoine et maintien du statu quo politique. Reste, comme nous l’avons dit, à savoir si rien ne viendra troubler l’exécution de ce programme. En ce qui concerne les réformes, le gouvernement ottoman en a déjà promis et annoncé si souvent que la foi est morte ; on n’y croira que lorsqu’on les verra accomplies. Et quant au statu quo politique, peut-être, — et nous le souhaitons sincèrement, — pourrait-on le sauver quelque temps encore avec les palliatifs dont on l’entoure, mais des remèdes plus héroïques pourraient seuls en assurer le maintien définitif.