Les incidens de ces derniers mois, et surtout de ces dernières semaines, ont attiré vivement l’attention sur la péninsule balkanique : on se demande avec quelque inquiétude quel sera l’avenir de l’Orient, même le plus prochain.
Le sentiment le plus général n’est pas l’optimisme, et il y a malheureusement de bonnes raisons pour cela. Bien qu’on ait pris soin de dire que le programme de réformes qui a été soumis à la Porte n’est pas définitif, et qu’il est même appelé à être plus tard l’objet d’un vaste développement, il a paru si succinct, et pourquoi ne pas dire le mot ? si étriqué, qu’on se demande s’il opposera une digue suffisante aux impatiences révolutionnaires des Macédoniens de Macédoine, de Bulgarie et d’ailleurs. Rien ne serait plus désirable, mais rien n’est moins sûr, et les nouvelles qui arrivent d’Orient, même incomplètes et tronquées, comme elles le sont certainement, ne présentent pas de la situation un tableau rassurant. Au fond, l’anarchie est partout dans les Balkans. Si elle se traduit finalement par des désordres graves, il n’est pas douteux un seul instant que la Porte ne soit en mesure de les réprimer. Malheureusement elle a des procédés de répression dont l’énergie barbare provoque l’horreur, et qui ne lui réussissent pas toujours comme ils l’ont fait après les massacres arméniens. Il arrive quelquefois que ces odieuses tueries ne produisent pas sur les lieux l’apaisement ; en revanche, elles agissent violemment sur les sentimens de l’Europe, et finissent par coûter une province à la Turquie, après quoi, il est vrai, les puissances lui garantissent jusqu’à la prochaine fois l’intégrité de ce qui lui reste. Verrons-nous se renouveler encore ce scénario lugubre et malfaisant ? Nul ne le sait. Pour le moment, il serait injuste de ne pas reconnaître que, si les puissances ont été bien peu exigeantes en ce qui concerne les réformes, elles ont du moins pris des mesures pour empêcher l’exaltation révolutionnaire d’éclater, avec leurs inévitables conséquences.
La Russie a été, à ce point de vue, particulièrement énergique et explicite. C’est assurément à son inspiration que le prince Ferdinand a obéi en arrêtant les principaux chefs des comités macédoniens de Bulgarie, et en prononçant la dissolution des comités eux-mêmes. Il a dû lui en coûter d’adopter cette altitude : elle est en contradiction flagrante avec celle qu’il avait eue dans ces derniers temps, et l’expose à perdre sa popularité. Un incident qui vient de se produire à Sofia montre de quel danger le gouvernement princier est menacé. Le général Paprikof, ministre de la Guerre, a donné sa démission, — hâtons-nous