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missionnaires, envisageront d’un œil malveillant et soupçonneux les statuts d’une congrégation qui viendrait à se fonder dans le même but ? » Lorsqu’il parlait ainsi, M. Waldeck-Rousseau n’était pas prophète ; il n’avait pas mesuré la violence du mouvement qu’il avait déchaîné ; il n’avait pas prévu le rapport de M. Rabier, dont nous avons dit un mot, il y a quinze jours. Il y a déjà loin de M. Waldeck-Rousseau à M. Rabier !

M. Combes lui-même a eu des scrupules. Il a fait des réserves ; il a même dit qu’il ne pourrait pas appuyer de son autorité la procédure de la commission, et celle-ci a dû chercher un moyen de concilier ses vues avec celles du gouvernement. Elle a divisé les congrégations en trois lots, destinés à être expédiés successivement. Le premier comprend les congrégations enseignantes, le second les prédicantes et le troisième les commerçantes. On ne distinguera pas entre elles dans chaque catégorie ; on les condamnera et on les frappera en bloc : c’est du moins ce que la commission a proposé, et ce que M. le président du Conseil a accepté. Première capitulation de sa part. Toutefois il s’est refusé à poser à ce sujet la question de cabinet. Il voulait bien parler, mais non pas se compromettre ; il voulait bien donner de sa personne, mais non pas de son portefeuille. Ce serait une erreur de croire que cette réserve relative venait chez lui du désir de respecter la liberté d’un certain nombre de ses amis : la vérité est qu’il craignait que ses amis ne préférassent leur liberté à ses convenances personnelles. On lui a fait honte de sa tiédeur et de ses hésitations ; on l’a accusé de complaisances à l’égard de la réaction ; on lui a reproché d’assurer à celle-ci un triomphe dont les conséquences seraient incalculables. Alors il a senti plus évidemment que jamais ce dont il s’était déjà aperçu quelquefois, à savoir qu’il n’était pas son maître, et il a promis de poser la question de confiance sur le passage à la discussion des articles des trois projets de loi. Seconde capitulation de sa part : sera-ce la dernière ? C’est ainsi que commencera le débat. Le gouvernement, réduit à un rôle subalterne et humilié, a renoncé à le diriger : il en laisse le soin à la commission et à son rapporteur, M. Rabier, se contentant pour son compte de jeter dans la balance le poids d’une menace de démission, c’est-à-dire d’une crise gouvernementale en perspective, si la majorité ne montre pas jusqu’au bout la docilité dont il lui a lui-même donné l’exemple. Ainsi, dès l’origine de cette triste affaire, on voit le gouvernement plier et se soumettre, n’ayant que des velléités timides en présence de gens qui ont une volonté.