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della Quercia, l’émouvante simplicité de Duccio, la verve narrative des deux Lorenzetti, la grâce un peu archaïque de Vecchietta, le mouvement et la fantaisie de Matteo de Sienne. Et personne non plus n’a plus heureusement exprimé l’intime et profonde parenté de ces maîtres, leur invariable fidélité à un idéal artistique dont la trace se découvre déjà dans l’œuvre de Duccio, mais qui s’affirme surtout dans les fresques et les merveilleuses miniatures de Simone Memmi.


Toute l’œuvre de Simone nous fait voir une harmonieuse unité d’émotion. Les figures que crée son génie vivent et se meuvent, tout naturellement, dans un monde qui leur est propre, un monde de subtile beauté, de grâce et de quiétude, un monde où il n’y a point de souffrance, ni de péché, ni de laideur ; où il n’y a rien qui offense l’œil le plus délicat ; où la force rend hommage à la sainteté ; où des prélats, richement vêtus, s’agenouillent en adoration devant la Vierge ou le Christ ; où de jeunes saintes, en robe flottante, songent, le regard fixé sur un rêve pieux ; où des anges, leurs cheveux blonds entresemés de fleurs, volettent doucement, toujours prêts à bénir comme à protéger... Et Simone n’a pas seulement créé des types délicieux : il a encore su donner une vie durable à tout ce monde nouveau où il les a placés. Les peintres qui l’ont suivi ont été contraints d’admettre la réalité de ce monde, de l’habiter à leur tour, d’employer à leur tour des formes pareilles, mises au service du même idéal. Aucun artiste de son temps n’a eu une influence plus large ni plus vivace, si ce n’est Jean de Pise et Giotto,.. Dans sa patrie, notamment, son influence s’est prolongée pendant deux siècles. Matteo di Giovanni, Neroccio, Benvenuto, tous les peintres siennois ont été les continuateurs de Simone Memmi. Ces compatriotes de sainte Catherine ont trouvé, chez lui, un système d’art qui leur a toujours suffi pour exprimer leurs émotions, telles que les produisait en eux un mysticisme étrangement mêlé de sensualité. Et ceux mêmes d’entre eux qui, comme Matteo, étaient d’humeur à s’aventurer parfois dans le monde d’une réalité plus humaine, ceux-là mêmes n’ont jamais abandonné que pour de courts instans le tranquille et bienheureux paradis que jadis Simone leur avait découvert.


Je regrette pourtant que M. Langton Douglas n’ait pas cru devoir mettre à part, entre ces continuateurs de Simone Memmi, celui de tous qui, sans aucun doute, a exprimé au plus haut degré le « mysticisme » particulier de l’âme siennoise : ce pieux et naïf Sano di Pietro, qu’on a maintes fois appelé « l’Angelico de Sienne. » Et en effet il y a eu en Italie trois peintres qui, seuls, ont été vraiment des « mystiques, » si l’on entend par ce mot autre chose que la simple dévotion d’honnêtes artisans ne doutant point de la réalité des scènes religieuses qu’ils se chargeaient de représenter moyennant salaire. Il y a eu trois peintres qui, vraiment, se sont toujours inspirés non point de leur observation,