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pas jaloux. Avec lui on avait de bons momens, ceux qu’on passait avec l’autre. Gilberte est prise d’une envie folle de se venger de son tyran ; une femme a toujours une vengeance prête ; et le fait est que depuis quelque temps Gilberte reçoit des lettres incendiaires signées d’un simple prénom : Georges. Son adorateur, presque anonyme, la supplie de passer un de ces jours, de deux à quatre, à une adresse qu’il lui indique. Gilberte, après avoir dûment enfermé son mari, court au rendez-vous de M. Georges.

Il faudrait n’avoir aucune espèce d’habitude du théâtre pour n’avoir pas établi tout de suite l’identité de M. Georges. C’est Château-La-plante, le premier mari, inévitablement ! C’est d’ailleurs un Château-Laplante méconnaissable ; il s’est taillé la barbe, coupé les cheveux. habillé chez le bon faiseur. Pourquoi a-t-il tant tardé à opérer cette métamorphose ? Il se serait fait aimer. D’ailleurs il cet encore temps. Cependant que l’ancien mari et son ex-femme ébauchent une liaison toute nouvelle, qui vient les surprendre ? Boisgibert, qui a été prévenu par Château-Laplante lui-même. A chacun son tour ! Comme Boisgibert est complètement entré dans son rôle de mari, il a une joyeuse surprise en reconnaissant dans le faux M. Georges le seul homme dont il ne puisse être jaloux. Ainsi le ménage à trois est reconstitué. C’est l’important. Et nous savons gré aux auteurs d’avoir opéré avec sûreté cet ingénieux chassé-croisé. En dépit de quelques trucs qui sont du pur vaudeville, la pièce est tenue suffisamment dans le ton de la comédie légère.

Mme Réjane est d’une espièglerie charmante dans le rôle de Gilberte, où elle met toute sa fantaisie, toute la variété de ses mines, toutes ses intentions et tous ses sous-entendus. M. Dubosc est plus à son aise en Château-Laplante rustre qu’en Château-Laplante fringant. Et nous avons eu plaisir à revoir sous les traits de Boisgibert l’excellent comédien qu’est resté M. Noblet.


RENE DOUMIC.