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des analogies toutes superficielles, portant sur des situations qui par elles-mêmes sont quelconques et sur des noms qui appartiennent à tout le monde cela ne diminue en rien la part d’invention du dramaturge. Il n’y a aucune espèce de rapprochement à établir entre l’œuvre de M. Decourcelle et celle de Goethe. La remarque en était importante à faire, car M, Decourcelle serait inexcusable s’il s’était cru en droit de saccager un chef-d’œuvre.

La pièce est montée avec beaucoup de goût. Mme Sarah-Bernhardt qui a voulu être Werther, après avoir été Lorenzaccio, Hamlet et le duc de Reichstadt, a tiré du rôle tout le parti possible sans parvenir à donner au personnage de M. Decourcelle aucune espèce de consistance. Ne manquons pas de signaler le succès obtenu par M. de Max dans le rôle de Gurlh, et ne laissons pas passer l’occasion, — unique jusqu’ici, — de complimenter cet acteur. C’est un supplice de l’entendre déclamer des vers de Racine ; mais ce rôle en monosyllabes lui a porté bonheur.


Il n’y a qu’un enfant dans le Secret de Polichinelle, mais c’est un enfant naturel. Il est à lui seul la pièce entière. Il emplit de sa gentillesse tout le second acte, et c’est cet acte qui a fait aller la pièce aux nues.

Il est impossible que vous ne sachiez que le jeune Henri Jauvenel, fils de bons bourgeois, vient de refuser un mariage avantageux. Pourquoi ? Parce qu’il a une maîtresse, Marie, fleuriste ; et que de cette maîtresse il a un enfant. Cet enfant, nous le voyons et nous l’entendons dès le début de ce fameux second acte. Il joue au chemin de fer :

« Maman, je n’ai pas de voyageur. — Mon enfant, tu en prendras un à la station. — Quelle station ? — La station qui est sur la route. — Quelle route ? — Allons, mon enfant ! laisse-nous tranquilles. » Marie achève un travail pressé : elle n’a que le temps de monter sur leurs tiges ses dernières roses et ses derniers lilas, puis d’enfermer le tout dans un carton dont Henri se chargera ; ce licencié en droit n’est pas fier : il fait les courses et porte l’ouvrage à domicile. Cependant un fauteuil se retourne et dans ce fauteuil nous apercevons qui ? M. Jauvenel, le grand-papa du petit enfant. Il y a un mois, apprenant que le gamin était gravement malade, il n’a pu se tenir de venir le voir ; depuis ce temps il est revenu chaque jour : il a son fauteuil habitué chez sa bru de la main gauche. L’épisode de la maladie de l’enfant nous est d’ailleurs conté tout au long par la mère avec des larmes