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de suivre l’enseignement religieux de l’école, si leurs parens le demandaient. La liberté de conscience était sauve.

Quant aux écoles des bureaux scolaires, entretenues aux frais du Trésor et aux frais des contribuables, la loi Forster exigeait un certain genre de laïcité, de neutralité. Il dépendait des School Boards, et en dernière analyse des électeurs qui les nommaient, que tout enseignement religieux fût exclu des écoles publiques. Mais bien peu ont profité de cette latitude. Ainsi, d’après une statistique de 1898, sur 7 198 écoles des bureaux scolaires, 57 seulement n’admettaient qu’un enseignement purement laïque[1]. Dans la pratique, les écoles publiques écartent tout enseignement confessionnel, dogmatique, mais conservent un minimum d’enseignement religieux donné par le maître laïque. Le School Board peut, s’il le veut, et il le voudra presque toujours, admettre la lecture de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec ou sans commentaire, voire même faire réciter le Pater au commencement de la classe. Mais la section 14 de la loi Forster, la clause Cowper Temple, interdit formellement, dans toute école des bureaux scolaires, l’usage d’un catéchisme dogmatique ou d’un formulaire confessionnel quelconque, anglican ou dissident.

Ainsi, dans les écoles libres, presque toutes confessionnelles et en grande majorité anglicanes, liberté pour le père dissident ou libre penseur de soustraire son enfant à l’enseignement religieux. Dans les écoles des School Boards, enseignement laïque, neutre, respectueux de la religion, vaguement chrétien, avec

  1. Les Anglais pour qui « la religion c’est l’ennemie » se réduisent à une infime minorité. Les Anglais estiment que la civilisation moderne est fille du christianisme, qu’une éducation purement intellectuelle est une éducation dépravée, et ils s’autorisent de l’exemple de la Grèce et de Rome. La page suivante d’Herbert Spencer exprime à merveille l’aversion des Anglais pour le préjugé rationaliste si populaire en France, et qui est devenu le Credo de nos éducateurs patentés : « L’intelligence, écrit Spencer, n’est pas un pouvoir, c’est un instrument ; elle n’est pas une chose qui meut, mais une chose qui est travaillée (worked) par des forces qui sont derrière elle. Dire que les hommes sont gouvernés par la raison est aussi irrationnel que de dire qu’ils sont gouvernés par leurs yeux. La raison est un œil, l’œil à travers lequel les désirs voient le chemin qui les mène à se satisfaire. Éduquer la raison, c’est rendre l’œil meilleur, lui donner une vision plus exacte et plus compréhensive, mais qui n’altère en rien les désirs secondés, favorisés par elle. Vous avez beau étendre son horizon, les passions détermineront encore la direction vers laquelle la raison doit être tournée, les objets sur lesquels elle doit se fixer. L’intelligence sera justement employée à accomplir ces fins que les instincts et les sentimens proposent ; la culture de l’intelligence n’ayant rien fait qu’accroître leur habileté à les accomplir. » Social Statics, p. 389. Page admirable d’observation exacte et d’expérience profonde, et que les éducateurs ne sauraient assez méditer.