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peuple anglais, est une Eglise plutôt qu’une religion, et l’Eglise d’une caste. Il a des analogies avec le catholicisme ; c’est un catholicisme moins le Pape, avec le roi pour chef religieux. Chef suprême de l’Église, le roi l’est en même temps du pouvoir civil. Eglise et royauté se prêtent un mutuel appui. » L’Eglise anglicane encourt le reproche de cléricalisme, de ritualisme, de sacerdotalisme, adressé à l’Eglise catholique romaine. Ce reproche n’est fondé qu’à l’égard de la haute Eglise. Dans le giron de l’anglicanisme, un courant cherche à se rapprocher des masses populaires ; mais, parmi la population ouvrière des grandes villes, c’est la haute Eglise et l’Eglise catholique qui sont en contact le plus direct avec le peuple. A côté de l’Eglise établie, la liberté de conscience et de culte est aussi complète en Angleterre qu’on le peut imaginer. Les nombreuses sectes dissidentes, wesleyens, méthodistes, baptistes, etc., presque toutes à tendances démocratiques très accentuées, sont fondées sur le principe de la séparation absolue du domaine religieux et du domaine de l’Etat, legs de la Révolution et de Cromwell. L’inégalité où elles se trouvent, vis-à-vis de l’Eglise officielle, en matière d’instruction primaire, est une inégalité non de droit, mais de fait. C’est parce qu’elles ne peuvent rivaliser de richesse et d’influence avec l’Eglise anglicane, qu’elles réclament l’abolition ou plutôt le rachat de l’école confessionnelle, — car la spoliation n’est pas encore entrée dans les mœurs anglaises, — et l’organisation d’écoles neutres, entretenues aux frais de l’Etat. Vers 1870, ces non-conformistes, bien que divisés sur toutes les questions théologiques, formaient un corps militant, et comptaient parmi leurs leaders un jeune politicien ultra radical de Birmingham, M. Joseph Chamberlain, aujourd’hui dans le camp de leurs adversaires politiques. La lutte ne s’engageait pas entre la libre pensée et l’Eglise, mais entre une Eglise d’Etat et des Églises libres.

Gladstone venait d’inaugurer son premier ministère libéral. Une des grandes œuvres de ce ministère fut la loi sur l’instruction primaire de 1870, à laquelle William Edward Forster a attaché son nom. Forster faisait un compromis. Il tenait compte des services considérables rendus par l’Église anglicane, il se montrait respectueux des croyances, autant qu’économe des deniers publics. Il ne détruisait rien : à l’édifice ancien il ajoutait une construction neuve. Il refusait de satisfaire aux exigences