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royaume où vous choisirez votre retraite, mais aussi je serai bien aise de vous faire plaisir aux occasions qui s’en présenteront et de vous témoigner combien vos bonnes intentions et les effets qu’elles ont produits m’ont été agréables. » Et il s’empressait de confirmer cette attitude en intervenant énergiquement en sa faveur auprès de Jacques II, qui changea aussitôt de conduite et donna à la duchesse « beaucoup de marques de confiance et de considération. »

Mais elle sentait qu’elle ne pouvait, sans péril, demeurer en Angleterre. Toutes les anciennes colères contre elle s’étaient réveillées ; avec Sunderland, elle semblait la personnification de cette alliance française si détestée dont la nation appréhendait la continuation. Elle s’attendait à être violemment attaquée dans le prochain Parlement et estimait prudent de prévenir l’orage. Enfin, de la part du nouveau roi, elle éprouvait toutes sortes de mécomptes financiers. « S. M. Britannique, écrivait Barillon, lui a accordé 3 000 pièces de pension pour elle et 2 000 pour le duc de Richmond. Elle a désiré que ces 5 000 pièces fussent pour son fils seul et n’a rien voulu pour elle. Il y a outre cela 2 000 pièces de revenu en fonds de terre de la confiscation de milord Grey qui doivent appartenir à M. de Richmond, mais il faut encore quelques années pour en jouir. Elle a prétendu qu’une affaire d’Irlande qui pouvait monter à 25 ou 30 000 pièces lui devait être conservée, en ayant la promesse du feu roi, mais elle n’a pu l’obtenir. Cela joint au dégoût qu’elle a eu de voir déposséder d’abord le duc de Richmond de sa charge de grand écuyer a fait qu’elle a parlé un peu librement et qu’elle s’est souvent plainte que ses services étaient oubliés. »

Il y avait eu trop souvent divergence de vues entre le duc d’York et elle pour que les moindres froissemens ne prissent rapidement un caractère d’aigreur. Le seul parti raisonnable était celui de la retraite : elle s’y décida ; au moment de son départ, d’ailleurs, Jacques II s’adoucit en sa faveur et lui permit de lui conserver ses appartemens à Whitehall.

Malgré les déceptions dont elle se plaignait, elle rentrait en France avec une fortune considérable. Outre les sommes qu’elle y avait placées à plusieurs reprises (et ce n’avait pas été un des moindres griefs de la nation contre elle, que ces envois de fonds à l’étranger), elle possédait, selon un de ses historiens.