Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acquiert un tel crédit dans le Parlement qu’on n’accorde nulle attention à un inconnu qui parle de faire une adresse au roi pour demander son renvoi. Sa conduite inattendue rend Burnet perplexe. Y eut-il de sa part dissimulation et machiavélisme ? ou au contraire, comme il le crut et comme Barillon lui-même le soupçonna, pensa-t-elle ainsi affermir le trône du roi et peut-être, après Monmouth, en préparer l’accès à son propre fils, le petit duc de Richmond ? Il est difficile de se prononcer. Dans tous les cas, sa politique lui acquit en quelques semaines une popularité qu’elle n’avait jamais eue. On la crut si complètement engagée dans l’opposition qu’après le rejet par les lords du Bill d’exclusion, la dissolution du Parlement et la chute de Sunderland, elle fut considérée comme disgraciée, dénuée à jamais de toute influence auprès du roi, proche d’être renvoyée définitivement : tel était l’avis de Sidney en juin 1681.

Son erreur était complète. Y eut-il jamais divergence réelle de pensée entre Charles II et elle ? Il est possible que non. Ce qui est certain, c’est que la politique d’alliance avec l’opposition ne fut pour la Française qu’un pis aller, mieux peut-être : qu’une ruse, destinée à la fois à assurer sa propre sécurité et à décider Louis XIV à conclure enfin le traité de subsides tant désiré.

Le roi de France se rend compte, en effet, qu’à distribuer de l’argent dans le Parlement, il perd de grosses sommes et que les résultats obtenus ne sont guère satisfaisans. Alors a lieu le rapprochement définitif avec la duchesse. Charles II la réconcilie avec le duc d’York, à quelque point que celui-ci soit outré de ce qu’il appelle sa trahison. Barillon sert d’intermédiaire pour les derniers pourparlers avec la France. Le traité de subsides est conclu, qui permettra à Charles II de gouverner sans les crédits demandés au Parlement.

Au Parlement d’Oxford convoqué en mars 1681, Charles II étale aux yeux de son peuple l’impuissance et les divisions de l’opposition et les velléités séditieuses de Shaftesbury. Il fait arrêter ce dernier et déclare en appeler à la nation tout entière. Le prince d’Orange, débarqué trop tard en Angleterre, est reçu froidement à la cour et se hâte de repasser la Manche. La politique machiavélique de la duchesse triomphe. Elle n’abuse pas du succès, reçoit affablement les orangistes, tâche d’apaiser les dissentimens. Son ami Sunderland, après une disgrâce qui n’a