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côté de Guillaume d’Orange. Les lettres et le journal de Henry Sidney, intime ami du prince et ambassadeur d’Angleterre à la Haye, donnent une idée singulière de l’activité de la favorite, surtout quand on les rapproche de la correspondance de Barillon à la même époque.

Tandis que sa maîtresse, la comtesse de Sunderland, ne cesse de le mettre en garde contre la femme perfide dont elle dénonce les intrigues avec la France, Henry Sidney note les velléités de rapprochement de la duchesse du côté du prince qui a été son hôte en 1677 au moment de son mariage. Elle lui fait tenir les messages les plus engageans. Sunderland écrit confidentiellement à Sidney combien elle serait sensible à une dé- marche de la part de Guillaume, à une lettre par exemple ; il fait sentir combien son appui pourrait être précieux. Elle déclare ne pas vouloir faire d’avance, mais elle est toute prête à répondre à celles qui lui seraient adressées. Son amour pour la France, tout sincère qu’il est, ne lui fera pas méconnaître ses devoirs envers l’Angleterre, sa seconde patrie. Barillon, furieux, l’accuse d’avoir préparé, d’accord avec Sunderland, l’alliance entre l’Espagne et l’Angleterre. Chaque occasion lui est bonne pour envoyer un mot gracieux au prince d’Orange. Mais celui-ci, soit par aversion insurmontable, soit par défiance ou par scrupule, ne peut se décider à lui écrire, répond mollement à ses invites, se montre plus disposé à faire des déclarations contre elle qu’à devenir son allié. Au désappointement visible de l’ambassadeur, il tergiverse, hésite à venir en Angleterre, ne se décide que quand il est trop tard.

La duchesse de Portsmouth a déjà pris son parti. Puisque le traité avec Louis XIV n’est toujours pas conclu, puisque Orange se dérobe, elle se rapproche résolument de Monmouth et de Shaftesbury. Quelques-uns croient savoir qu’elle reste en relations secrètes avec le duc d’York. Il est plus probable que chacun d’eux trahit l’autre avec l’espoir, en le sacrifiant, de se sauver soi-même. Dans tous les cas, d’accord avec Sunderland, elle se prononce résolument en faveur de l’exclusion, au grand désarroi du parti orangiste. Quoique les plus clairvoyans se défient de ses pleurnicheries auprès du roi et soupçonnent chez elle des arrière-pensées, la voilà, du jour au lendemain, au scandale de la comtesse de Sunderland, « passée favorite de la Chambre des communes. « Tandis que le duc d’York est éloigné en Écosse, elle