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attitré et de toute confiance entre les deux monarques jusqu’à la mort de Charles II. Il ne s’élève plus de nuage entre eux. Mieux que les ambassadeurs de Louis XIV, la favorite a compris comment pouvaient s’entendre les intérêts des deux couronnes et la diplomatie française est contrainte de lui donner pleinement raison. Sans prétendre suivre par le menu le détail de son action sur la politique intérieure et étrangère de l’Angleterre, sans surtout pouvoir constater toujours avec précision de quelle manière s’exerça son influence, nous allons voir comment on la trouve mêlée, énergique et consciente, aux conjonctures politiques et diplomatiques les plus délicates de l’époque, et comment parfois, à telle heure de crise, c’est elle qui détermine la solution.


VI

La faculté qui est donnée par le roi de France à la duchesse de Portsmouth de se faire naturaliser Anglaise et le don de la terre ducale d’Aubigny attestent, dès 1673, non seulement le désir de complaire à Charles II, mais celui de récompenser et de stimuler la bonne volonté de la jeune femme. Elle apparaît aux côtés de Charles II aux yeux de tous les officiers français quand les deux flottes alliées se rencontrent sur les côtes d’Angleterre. Mais la même année, malgré les efforts de Colbert de Croissy, voit croître en Angleterre le mouvement d’opinion hostile à la France. La conclusion du mariage du duc d’York avec la princesse de Modène, le soupçon des intrigues secrètes de Charles II avec la cour de France, amènent une reprise de persécutions anticatholiques. Le roi n’ose empêcher le Parlement de se réunir, de blâmer l’alliance française, de refuser les crédits. Le Bill du Test est voté et oblige le duc d’York et lord Clifford, en leur qualité de catholiques, de se démettre de leurs emplois.

Jugeant Colbert insuffisant, méconnaissant encore l’influence de la duchesse, Louis XIV entreprend de nouvelles négociations dans le Parlement anglais par l’intermédiaire du duc de Buckingham, de son envoyé extraordinaire Ruvigny, et du marquis de Sessac. L’échec en est complet, et Ruvigny, successeur de Colbert de Croissy à l’ambassade de Londres, resserre les relations avec Madame de Portsmouth. Mais, malgré sa bonne volonté et tout l’argent qu’il reçoit de France, Charles II a dû faire des concessions à l’opinion publique, renvoyer le ministère de la Cabale,