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contre eux pouvait être son action personnelle, leur donner à choisir entre une alliance au moins provisoire et une hostilité dont peut-être la favorite du monarque ne souffrirait pas les plus dangereux effets. Il n’est pas jusqu’à Guillaume d’Orange qui n’ait dû subir son prestige.

Évoluant avec habileté entre les partis, ou observant d’un œil clairvoyant leurs évolutions, s’alliant tantôt avec les uns et tantôt avec les autres, selon que les vues souvent intéressées des hommes d’Etat étaient en harmonie ou non avec les siennes, la duchesse de Portsmouth suivit une politique qui sans doute s’accordait avec son intérêt personnel, mais qui ne fut pas dépourvue de clairvoyance, et atteste un sentiment très juste du pays et de l’époque où elle vivait.

Elle consistait en somme à soutenir à la cour de Charles II les intérêts de la France et du catholicisme, à resserrer de la manière la plus étroite, par son intermédiaire, les liens des deux monarques, mais en même temps à ménager soigneusement les susceptibilités du peuple anglais, à éviter de heurter de front ses volontés quand elles se manifestaient trop clairement, à empêcher que les sympathies réelles et profondes de Charles II pour la France allassent jusqu’à lui faire compromettre son trône. A tenir cette ligne de conduite, la favorite soulevait contre elle, en Angleterre, d’une manière presque continue, non seulement l’unanimité de l’opinion protestante et parlementaire, mais même le mécontentement de beaucoup de catholiques exaltés, et les difficultés qu’elle eut avec le duc d’York tinrent pour une bonne part aux efforts qu’elle fit pour l’empêcher de compromettre par son zèle catholique intempestif la sécurité du roi en même temps que la sienne.

D’autre part, du côté de la France elle-même, qui aurait dû être son appui le plus solide, elle n’était pas non plus sans éprouver de fréquentes résistances. La politique de Louis XIV à l’égard de l’Angleterre semble avoir été avant tout de l’inutiliser, plutôt que de resserrer avec Charles II des liens de solide amitié. En partie à cause de la connaissance qu’il avait de la haine profonde du peuple anglais pour la France, en partie à cause d’une méfiance secrète que lui inspiraient le caractère indolent et la faiblesse du monarque anglais, Louis XIV fut beaucoup plus porté à tenter de neutraliser le Parlement par le roi et le roi par le Parlement qu’à lier sérieusement partie avec