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« cloche de Bismarck, » semblaient répéter, aux oreilles des Tchèques, l’écho vainqueur de Sadowa.

Malheur au gouvernement de Vienne s’il différait ou refusait de naturaliser autrichien et de reconnaître comme pasteur de la communauté nouvelle le théologien, venu de l’Empire voisin, qui aspirait à ce poste ! On s’indignait alors contre l’intolérance religieuse du ministère, et l’on affectait de ne point comprendre que tel candidat aux fonctions de pasteur, surtout connu pour ses propos pangermanistes ou pour la diffusion de brochures contre l’Autriche, fût mal accueilli par l’autorité ministérielle. La faute évidemment en était aux jésuites, à cet ultramontanisme dont les replis enserraient l’Autriche, « comme le serpent mythique entoura Laocoon ; » et c’était une raison pour crier plus fort encore : Los von Rom !


VIII

De fait, l’étrangeté même du mouvement compliquait singulièrement les rapports entre le pouvoir civil et l’Eglise évangélique. On n’avait point affaire à une confession religieuse qui souhaitât droit de cité sous le ciel d’Autriche ; mais à des influences exotiques qui réclamaient pour elles-mêmes toute licence en s’abritant derrière les prérogatives, depuis longtemps indiscutées, de l’une des confessions religieuses admises dans l’Empire. Le pouvoir risquait, ou de paraître intolérant s’il ouvrait les yeux, ou d’être réputé aveugle s’il les fermait.

On trouvait, en avril 1899, dans les bagages d’un pasteur allemand qui colportait l’agitation, un carnet de notes où il laissait deviner sa surprise que le pasteur Johanny, qu’il avait entretenu à Vienne, lui eût parlé de l’empereur avec un chaleureux loyalisme ; et l’on découvrait, avec ce carnet, le texte d’une circulaire confidentielle expédiée çà et là, en Styrie, par un fonctionnaire de Gratz, et qui demandait, en chaque localité, des hommes de confiance pour la propagation discrète de l’Evangile nouveau. Le fonctionnaire, qui répandait avec ses circulaires certaines brochures belliqueuses de la Ligue évangélique, fut frappé ; le pasteur étranger fut expulsé ; et la prohibition à tous fonctionnaires styriens de se laisser entraîner à des conversions qui ne seraient que des manifestations politiques ne fut point, comme on l’a voulu dire, une intimidation préjudiciable à la