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de la Transylvanie, et, tout au contraire, qu’il avait plutôt été desservi par les dynasties catholiques de l’Allemagne, et desservi par les catholiques allemands de Hongrie, qui s’étaient laissé magyariser. Une brochure fort délicate et presque obscène, qui était, par un jugement du tribunal de Nuremberg, interdite en Allemagne, fut répandue en Autriche à 250 000 exemplaires : elle traitait de la confession, et M. Bräunlich y renvoyait volontiers. On avait, enfin, une petite raccolta segreta d’opuscules séditieux, qui traversaient la frontière à la dérobée, en se donnant comme des ballots d’étoffe ; et la chambrette de l’un des propagandistes, quelques mois durant, fut toute remplie de ces petits écrits, qui s’intitulaient : « Les fautes des Habsbourg contre l’Autriche, » ou bien : « L’écroulement et la reconstruction de l’Autriche, » et dont la contrebande, chaque semaine, introduisait 1 600 exemplaires. Les agens de l’alliance pangermaniste (Alldeutscher Verband) s’en faisaient les colporteurs ; cafés et clubs allemands en couvraient leurs tables.

Que là-dessus quelque incident survînt : l’un de ces incidens autour desquels se concentrent, pendant des journées entières. Les passions d’une petite ville ; qu’on prêchât en tchèque, un dimanche, à l’heure où l’on avait coutume de prêcher en allemand ; qu’un vicaire slave semonçât un peu rudement quelque gamin pangermaniste ; qu’un évêque, sollicité d’installer en une cure un prêtre de langue allemande, alléguât une impossibilité qu’on prenait pour un mauvais vouloir, alors un cri de taquinerie, de représailles, de vengeance, commençait de gronder en quelques gosiers tapageurs : Los von Rom ! Le notable de l’endroit, médecin, avocat, industriel, épiait cette minute de rage ; et, sur un signe de lui, un pasteur accourait comme combattant. L’homme du Christ, sur les champs de bataille, a généralement une autre place.

On donnait en quelque local, après souper, une « soirée de famille évangélique, « non point une de ces soirées, imposantes, recueillies, comme en organise la ferveur protestante dans la Prusse rhénane et la Westphalie, rendez-vous édifians où les fidèles lisent la Bible en commun et prient en commun, ayant, d’après la promesse divine, le Christ au milieu d’eux ; mais une soirée beaucoup plus laïque, sans Bible ni sermon, où le pasteur parlait de la grandeur du peuple allemand, de l’avenir du germanisme, de l’inoubliable Bismarck. Parfois un pasteur, plus