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Libre à des Romains, enfin, d’attacher quelque prix à une autorité suprême disciplinaire : l’Église évangélique d’Autriche n’avait point à s’en soucier. Ce qu’on rêvait au contraire dans l’intimité des pangermanistes, c’était que cette Eglise sortît de son cadre autrichien ; que les Allemands, si peut-être ils étaient forcés d’accueillir à titre d’hôtes des coreligionnaires d’une autre langue, y demeurassent du moins les maîtres (Hausrecht) ; qu’elle se rapprochât de plus en plus des Eglises évangéliques d’Allemagne, de ces Eglises que bientôt Guillaume II, dans son discours de Gotha, devait convier à une sorte d’unité centralisée ; et qu’ainsi l’Eglise d’Autriche fût prête, le jour venu, à se fondre dans une immense Eglise nationale, une puisque l’Allemagne est une, sainte puisque Luther est saint, Eglise qui serait peut-être l’ouvrière, la messagère et l’incarnation spirituelle d’une plus vaste unité allemande. Si l’aspiration rêveuse vers une « plus grande Allemagne » n’était que le reflet d’un dessein providentiel ; si Dieu voulait que tôt ou tard l’Autriche allemande émigrât sous le sceptre mi-pontifical, mi-impérial, d’un Hohenzollern, ne fallait-il point que tout d’abord elle fût protestante ? Sinon, l’équilibre confessionnel du Reichstag serait bouleversé : une Autriche catholique fortifierait le parti du centre ; une Autriche protestante fortifierait l’Empire évangélique. « Mon suprême désir, avait dit un jour Guillaume II, tend à écarter les barrières qui séparent les unes des autres les fractions du peuple allemand. » M. Bräunlich rappelait ce mot, dans une réunion à Berlin ; et puis, avec une pétulance que l’orateur impérial eût peut-être jugée prématurée, il se précipitait en Autriche pour écarter une au moins de ces barrières, la barrière religieuse. La mission n’était-elle pas assez sérieuse, assez noble, assez historique, pour qu’on ne l’encombrât point, comme l’eussent voulu M. Witz et M. Johanny, de certains scrupules chrétiens ?


VII

Il y a des travaux dont on recule le succès en voulant le brusquer : telle la besogne pour laquelle s’entr’aidaient la Ligne évangélique et le parti radical. Elle fut compromise dès le début par l’exubérante impatience de M. Schœnerer : le 1er avril 1899 arriva et les 10 000 signatures escomptées étaient en retard.