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l’empire d’Allemagne (Reichsdeutsch) et à les proposer à l’approbation de l’Etat autrichien. François-Joseph, en accordant aux Eglises évangéliques cette haute marque de confiance, n’avait pas pressenti qu’un jour un homme politique en abuserait pour forger une arme contre l’Autriche : M. Schœnerer fut cet homme. Enlever à Rome son droit de maternité sur les consciences allemandes, et transférer ce droit aux Églises évangéliques, c’était contraindre ces Eglises, qui manquent de ministres, à faire d’incessans appels aux universités de l’empire voisin ; c’était ouvrir les portes de l’Autriche à un flot toujours renouvelé de prédicans, sujets de la Prusse, du Wurtemberg ou de la Saxe, disciples et messagers d’un certain fanatisme germanique ; et le pangermanisme prussophile de M. Schœnerer trouverait dans cette immigration de pasteurs, auxquels il ménageait une clientèle religieuse, un moyen vraiment efficace de renforcer et de grossir sa propre clientèle politique. Il comptait sur la Réforme, non seulement pour soustraire les âmes à Rome, mais pour les donner à l’Allemagne.


III

Aussi bien le protestantisme allemand n’était-il point en reste d’avances. La Ligue évangélique (Evangelischer Bund), qui met en tête de son programme l’action défensive contre le catholicisme, et qui voit généralement dans l’offensive la meilleure des défensives, s’intéressait de longue date à la situation de l’Autriche : le public en eut une première preuve au congrès qu’elle tint à Crefeld, au début d’octobre 1897. Deux mois après, une réunion de pasteurs, à Dresde, concertait trois opuscules de propagande : « Comment la Bohême redevint catholique ; — Le protestantisme et la nation allemande ; — Ce que le peuple allemand doit à la Réforme ; » et ces « tracts, » dès les premiers mois de 1898, furent répandus à profusion dans l’empire d’Autriche.

Ils eurent tant de prise sur quelques cerveaux qu’un certain dimanche, dans la petite ville bohémienne de Trebnitz, un enthousiaste se mit à les déclamer, à l’issue d’une messe en plein air célébrée pour une fête d’archers, sous les yeux déconcertés des quatre prêtres officians. Cette façon d’improvisation fit du