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y a quelque trente ans, dut assister, impuissant, à la fondation d’un groupement « libéral-allemand » dont le but était de séduire, par l’appât de certaines carrières lucratives, les jeunes gens de familles germaniques qui se destinaient à la prêtrise, on peut se demander si les Allemands, mécontens aujourd’hui d’être peu représentés dans le clergé, ne devraient pas d’abord s’accuser eux-mêmes. Ils redouteraient, disent-ils, d’exposer leurs enfans, derrière les murailles des grands séminaires, au contact, présumé hostile, d’un clergé tchèque ou slovène : les trente étudians d’origine rhénane que l’évêque de Leitmeritz a récemment appelés dans son séminaire ont affronté cet épouvantail et ne regrettent pas leur émigration. Mais l’impatience des radicaux allemands ne veut mesurer ni responsabilités ni difficultés. Les chiffres sont là, brutaux, attestant que, dans l’ensemble du royaume de Bohême, il y a 710 cures dont les fidèles sont de langue allemande ; que dans ces cures, où fonctionnent seulement 590 prêtres d’origine allemande, on rencontre aussi 481 prêtres d’origine tchèque ; et qu’enfin, dans les 135 localités où les forces des deux races sont à peu près égales, le service religieux est assuré par 266 prêtres tchèques et seulement 33 prêtres allemands. L’écart, en pays slovène, est plus considérable encore. De la chaire où prêche le Slave, du confessionnal où le Slave s’assied, les Allemands élèvent enfin leurs regards, avec une anxieuse fixité, vers les grands séminaires et les palais épiscopaux : l’élément slave est prépondérant dans le corps professoral, prépondérant dans la haute bureaucratie ecclésiastique. Libre aux évêques, dès lors, de conjurer les populations allemandes de leur diocèse de leur offrir quelques vocations sacerdotales : l’opinion s’accrédite, parmi ces populations, que la soutane est une livrée tchèque, ou bien une livrée slovène.

Le procès se poursuivant, on fouille le passé pour allonger la liste des griefs. Si l’on constate aujourd’hui, sur les bords de la Drave, que le bourgeois slovène, quelque incroyant qu’il soit, vit en étroite concorde avec le curé slovène, c’est là un fait qu’explique l’histoire : elle nous apprend qu’il y a cinquante ans ce furent des prêtres catholiques qui contribuèrent le plus activement à la résurrection de cette jeune nationalité ; et elle a gravé, là-bas, dans toutes les âmes slaves, le souvenir du prince-évêque Slomsek, qui le premier, il y a à peine un demi-siècle, fit faire des livres d’école pour les Slovènes, publia des vies de saints