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mer ! Le Président lui-même voit les choses en beau ; et, au surplus, reste à savoir jusqu’à quel point il rend un service à l’Europe en dégageant de l’appareil révolutionnaire et en entourant d’institutions conservatrices la forme républicaine, qui ne lui était jusqu’alors apparue que comme un salutaire épouvantail.

L’ambassadeur s’aigrit de jour en jour, comme un fruit qui macère dans un liquide acidulé. Ses compatriotes eux-mêmes ne dissimulent pas leur avis :


Il n’est nullement l’homme qu’il nous faudrait à Paris, dit le colonel de Burg, il ne saura jamais s’y faire une bonne position : c’est un ambitieux malade et hypocondre ; il a persécuté son cousin Bismarck pour obtenir de lui le poste de Paris ; il le poursuit aujourd’hui pour en avoir un autre ; il est mécontent ; il l’a été toute sa vie ; il ne cessera pas de l’être, ni de désirer autre chose que ce qu’il a.


Son mécontentement ne se revêt ou ne se recouvre même plus des ordinaires précautions oratoires. Pour s’excuser de ne pas se rendre à une audience de M. Thiers, il lui écrit cavalièrement :


D’un côté, je vous fatiguerais sans nécessité et sans résultat ; de l’autre, les badauds qui me verraient entrer trop souvent à la Présidence, sans que la situation de l’Europe soit changée le lendemain, s’échaufferaient et échaufferaient le public.


M. Thiers, qui n’a pas ménagé sa désapprobation « aux sots qui font du patriotisme au rebours du bon sens et de la vraie politique, » qui a tâché « d’apprivoiser M. et Mme d’Arnim et de leur rendre Paris supportable, » se lasse, à la fin, de voir qu’« ils ne l’y aident pas, » et il en prend son parti. Il le confie à M. de Saint-Vallier :


M. d’Arnim,… pendant la dernière crise, a affecté de ne point paraître à Versailles, sous le prétexte que son gouvernement devait se montrer soigneusement étranger à nos divisions. Je vous dis cela pour vous seul, et je n’attache pas à ces détails plus d’importance qu’il ne faut.


Et il avertit M. de Gontaut-Biron :


Ils peignent la France en noir, en écrivant à Berlin. Tâchez d’obtenir, sans vous plaindre toutefois, qu’on tienne compte de cette disposition morose et qu’on fasse subir à leurs rapports un tarif de réduction.


Au demeurant, Bismark est fixé, et il ne se sert des rapports de l’ambassadeur que dans la mesure où ils servent ses propres