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représentans de l’Angleterre, de l’Autriche et de l’Italie, lord Lyons, le prince de Metternich et le chevalier Nigra, le nonce apostolique, Mgr Chigi, qui résidaient depuis longtemps à Paris, enveloppaient la politique de leurs Cours d’un langage affectueux. Lord Lyons s’exprimait avec une bonhomie un peu affectée peut-être, mais de forme engageante ; M. de Metternich cachait, sous la grâce raffinée et le calme d’un diplomate de grande race, une émotion vraie, compliquée de rancune autrichienne envers la Prusse et de souvenirs restés fidèles à la Cour impériale. Le chevalier Nigra, accoutumé aux délicates nuances des conversations mondaines, s’attachait à couvrir des affabilités de sa parole la réserve calculée du Cabinet italien. Mgr Chigi déplorait nos infortunes avec d’autant plus de sincérité qu’elles avaient entraîné la déchéance temporelle du Saint-Siège, Le chargé d’affaires de Russie, bien qu’il eût, pour ménager les susceptibilités allemandes, des motifs particuliers dont nous parlerons plus loin, demeurait avec nous dans les meilleurs termes. Quant aux ministres des États secondaires, tout en redoutant d’offenser l’Allemagne, ils s’inquiétaient, au fond, de son extension menaçante pour les faibles, et si leur attitude envers nous était ostensiblement mesurée, nous la sentions au moins très amicale. Le terrain où nous allions nous avancer semblait donc assez bien préparé, et M. de Chaudordy l’abordait résolument, non pas sans anxiété, mais avec l’espoir que, malgré le prestige de tant de victoires et les résistances du Chancelier, les grandes Puissances estimeraient de leur dignité de jouer dans un tel drame un rôle modérateur, et que l’intérêt manifeste de prévenir la prépondérance de la Prusse en facilitant une paix honorable, l’emporterait sur leur timidité. Il se plaisait d’ailleurs à croire que nos armées obtiendraient quelques succès partiels qui modifieraient leur impression, et il entreprenait sans retard les négociations sur deux points d’importance inégale, mais connexes, qui appelaient immédiatement sa sollicitude.

Le premier objet qu’il avait en vue était d’amener les Puissances à une démarche énergique et, s’il se pouvait, collective, qui eût précédé nos pourparlers éventuels avec l’Allemagne. Le second, qui devait être visé en même temps, était d’obtenir des neutres la reconnaissance officielle du gouvernement de la Défense nationale. L’Italie seule y avait consenti : les autres Cours s’abstenaient. Or, bien que leurs ambassadeurs résidassent à