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son activité. On verra qu’elle a été l’un des élémens de la résistance et qu’elle s’est pleinement acquittée du mandat qu’elle avait reçu, et ce n’était pas peu de chose en ces jours néfastes,


I

Lorsque le gouvernement de l’Hôtel de Ville eut résolu de résider dans Paris assiégé, il comprit la nécessité de constituer en province un centre d’autorité libre, qui pût maintenir l’administration du pays et surtout organiser et diriger nos ressources militaires. Il désigna donc trois de ses membres, MM. Crémieux, Glais-Bizoin et l’amiral Fourichon, pour se rendre à Tours, assistés de fonctionnaires des divers départemens ministériels. Mais la tâche assignée à ces personnages était déjà tellement au-dessus de leur compétence qu’on voulut bien juger impossible de leur remettre encore nos intérêts diplomatiques. D’autre part, nos rapports avec notre personnel au dehors et avec les Puissances exigeaient la liberté des communications : il fallait que notre voix pût se faire entendre, et que nous fussions en mesure de traiter les questions éventuelles dont nous aurions à nous préoccuper. Le parti le plus simple eût été d’adjoindre le ministre des Affaires étrangères à ses trois collègues ; mais M. Jules Favre ne voulait point quitter la capitale, craignant d’abandonner le gouvernement aux conceptions vagues du général Trochu, à la fougue de M. Gambetta, et peut-être aux entreprises de la démagogie. Ces considérations avaient leur valeur sans doute ; il en résultait toutefois que M. Jules Favre ne pourrait exercer ses fonctions que par intermittence, en des conjonctures spéciales, et serait hors d’état de communiquer avec nos agens aussi bien que de faire face aux incidens de l’avenir. Comme, d’autre part, il n’entendait point abandonner ses prérogatives, il résolut d’envoyer à Tours un délégué muni de pouvoirs assez étendus pour entretenir nos relations extérieures, négocier avec les Puissances, et tenter auprès d’elles les démarches urgentes, tout en réservant les conclusions majeures à la décision du gouvernement. En tout temps, une telle mission eût été fort délicate ; mais, en l’état des choses, elle devenait particulièrement difficile, eu égard surtout à l’impossibilité de se concerter avec le ministre, et il était malaisé de prévoir quelle extension elle serait amenée à prendre sous l’impulsion des événemens.