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l’année dernière. Ils sont dus à la personne du Roi. Ses ministres cherchent bien à lui échapper : mais il les reprend un à un, et finit par les dominer. Le plus récalcitrant était M. de Broglie, et je pense que le Roi en était encore plus fatigué que le corps diplomatique.

« ... Mgr le duc d’Orléans a eu la bonté de venir exprès du camp de Compiègne pour me voir. Il s’ennuie un peu. Son activité de prince et de jeune homme a besoin de s’employer. La vie frivole à laquelle Mme de Flahault aidait si bien le fatigue et le dégoûte. Il vaut mieux que cela et a envie de goûter à plus que cela. Il meurt d’envie de voyager. Vous qui connaissez si bien l’Europe, croyez-vous qu’il le puisse ? Je veux dire qu’il le puisse avec sûreté de réception convenable ? J’aime Mgr le duc d’Orléans. Mon fils aîné a été élevé avec lui, puis il a confiance en moi. Il a de l’esprit, de la raison, des sentimens nobles, du courage, du gentilhomme et du prince. Enfin je lui voudrais du bonheur et des succès, Les voyages lui sont nécessaires, mais il faut qu’ils soient faits avec agrément. Aidez-nous de vos conseils.

« Il n’est nullement question de changemens de ministres ici. J’en suis charmée. Notre cour prend très bonne mine. On habite très noblement Saint-Cloud. On restaure Versailles, Fontainebleau, tous les anciens souvenirs de notre vieille monarchie, enfin c’est de la royauté et j’en bénis le ciel, puis ce sera mieux encore. Quand je pense au point de départ, je m’étonne encore plus de ce qui a été obtenu, que de ce qui reste encore à faire. »

Dans la lettre qui contient celle que nous venons de citer, nous trouvons en outre la preuve que, pas plus en Russie qu’en Angleterre, Mme de Liéven n’entend se désintéresser des devoirs qui incombent à son mari et qu’elle est résolue à en prendre sa part. A Londres, elle a été pendant de longues années, à côté de lui et sans qu’il protestât jamais, le véritable ambassadeur. A Tsarkoé Selo, elle sera de même « le gouverneur y> du tsarewitch tout au moins pour la partie intellectuelle de son éducation et sa sollicitude attentive s’étendra aux autres enfans de l’empereur. L’ambition qu’elle nourrit à cet égard se manifeste à l’heure même où elle s’installe au palais impérial et de jour en jour, elle s’affirme en s’exerçant et en révélant chez Mme de Liéven une éducatrice d’une rare intelligence.

« ... Écrivez-moi un mot et dites-moi surtout ce que vous croyez que mon mari et moi puissions faire pour rencontrer parfaitement