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d’un schisme : Nisi enim auctoritas imperatoris intervenisset, maximum in Ecclesia schisma subortum fuisset. Le grand inquisiteur d’Allemagne, le dominicain Heinrich Justitoris, parvint à décapiter l’hydre. Dans ses mémoires adressés aux évêques, il avait rappelé les noms maudits de Dathan et d’Abiram. L’histoire des lévites rebelles et de leur punition fut peinte dans la Sixtine à la fois comme un exemple de la protection assurée par Dieu à ceux qu’il investit de son autorité sur son peuple et comme un ex-voto monumental de la victoire du pape sur son audacieux adversaire.

Dans cette même année 1482, Sixte IV avait remporté une autre victoire, non plus en brandissant les foudres de l’Eglise, mais en recourant à la force des armes. Au moment où le schisme devenait menaçant, une coalition belliqueuse s’était formée contre l’Etat pontifical. L’Italie se trouvait divisée en deux camps : dans l’un le pape et Venise ; dans l’autre la République florentine et le royaume de Sicile, le duc de Milan, le duc d’Urbin. Les barons romains étaient les premiers ennemis du souverain enfermé dans l’enceinte du Vatican. Les Colonna secondèrent Alphonse, duc de Calabre, le fils et l’héritier du roi de Naples, qui envahit la campagne de Rome avec une nombreuse armée, La bataille s’engagea le 21 août, entre Veffetri et Nettuno, à Gampo-Morto. Après une journée de lutte acharnée, la victoire resta au capitaine pontifical, Roberto Malatesta.

L’une des fresques de la Sixtine rappelle encore cette bataille. De même qu’un tableau tout entier expose le châtiment des lévites, un autre tableau met en scène l’anéantissement de l’armée commandée par le Pharaon. Pour trouver place aux murs de la Sixtine, ce tableau a rompu violemment le parallélisme théologique des histoires de Moïse et du Christ. Roberto Malatesta, le général vainqueur, est placé à deux pas du patriarche qui conduit Israël. L’allusion est précisée par un détail curieux. Dans les représentations ordinaires du Passage de la Mer-Rouge, l’écroulement des murailles d’eau sur les cavaliers égyptiens ne s’accompagne pas d’une tempête. Dans la fresque de la Sixtine, la pluie et la grêle font rage sur les flots agités. Or, dans la journée de Campo-Morto, c’est un orage qui avait, dit-on, décidé de la bataille, en empêchant les Napolitains, fortement retranchés, de recharger leurs bombardes.

Les peintures commencées dans l’année 1482 rappellent, en