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des images hétéroclites réunies dans le même cadre. Le mot de l’énigme est donné par l’édifice, au sommet duquel le diable montre à Jésus les royaumes de la terre. Cet édifice n’est point une imitation de quelque ruine antique : avec son fronton bas et ses sveltes pilastres, il reproduit fidèlement la façade de l’église de Santo Spirito, élevée près du Vatican, et qui faisait partie d’un hôpital fondé par Sixte IV. Le monument aide à comprendre la signification attribuée par les courtisans du pape à la scène liturgique représentée par Botticelli. Le lépreux guéri fait penser aux malades soignés dans l’hôpital de Santo Spirito ; le grand prêtre ceint de la tiare à triple couronne qui offre le sacrifice est le représentant du pape, remerciant Dieu pour la guérison des pauvres recueillis par ses soins. Si cette composition se trouve introduite dans la série des scènes évangéliques, c’est que, dans la décoration de la Sixtine, elle se trouvait ainsi exactement placée en face du trône du pape, adossé à la paroi sur laquelle étaient peintes les fresques de l’histoire de Moïse. Sixte IV, chaque fois qu’il s’asseyait sur son trône, avait devant les yeux une image qui le glorifiait dans sa munificence et dans sa charité.

En dehors de cette fresque, dont le sujet et la place n’ont pu être choisis que par un habile courtisan, deux séries d’épisodes de la vie de Moïse, auxquelles un développement exceptionnel a été attribué, devaient rappeler au pape, dans la chapelle de son palais, les épisodes les plus mémorables de sa vie pontificale.

Un tableau tout entier est consacré aux vengeances divines exercées par l’intermédiaire de Moïse sur les sacrilèges et sur les prêtres rebelles. Or Sixte IV avait connu des révoltes pareilles à celle qui s’éleva contre le grand prêtre Aaron. En 1479, un prêtre de Mayence, Johann Burchard, avait prêché le retour à l’Evangile, et attaqué les pèlerinages et les indulgences avec une audace qui semblait préluder à la rébellion de Luther. En 1482, au moment où les peintres florentins et ombriens dressaient leurs échafauds dans la chapelle du Vatican, l’archevêque slave de Carinthie, André Zamométich, dont Sixte IV n’avait point satisfait les ambitions, déclara la guerre au pape, lui reprocha ses actes de simonie et en appela au Concile contre le « fils du diable. » Il trouva un allié tout prêt dans le roi de France. Sans l’intervention de l’empereur, écrit un annaliste, l’Eglise était menacée